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Fulya Ozerkan – Agence France-Presse à Ankara
Depuis lundi à Suruç, les manifestations sont réprimées par la police.
Photo: Adem Altan Agence France-Oresse Depuis lundi à Suruç, les manifestations sont réprimées par la police.

Les combattants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) ont riposté mercredi à l’attentat suicide attribué lundi au groupe État islamique (EI) et ont tué deux policiers turcs, renforçant les craintes d’une contagion du conflit syrien à la Turquie voisine.

Deux jours après l’attaque qui a fait 32 morts et une centaine de blessés àSuruç, lePKK a revendiqué l’assassinat de deux policiers turcs accusés de coopération avec lesdjihadistes, retrouvés morts une balle dans la tête dans la matinée dans une autre ville turque proche de frontière syrienne. Cette opération duPKK, qui menace de faire voler en éclats le fragile processus de paix engagé avec Ankara en 2012, intervient alors que le gouvernement s’est réuni en vue de renforcer sa sécurité à sa frontière avec la Syrie dans la foulée de l’attentat.« Une action punitive a été conduite […] contre deux policiers qui coopéraient avec le gang de Daesh à Ceylanpinar », a écrit sur son site Internet la branche armée du PKK, les Forces de défense du peuple (HPG). Le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, a vivement réagi sur Twitter en dénonçant une « attaque méprisable » du PKK.

Des jeunes visés

L’attentat deSuruç a visé un groupe de jeunes militants proches de la cause kurde qui souhaitaient participer à la reconstruction deKobané. Située à quelques kilomètres deSuruç, cette ville syrienne a été largement détruite par les violents combats qui se sont soldés en janvier par la victoire des milices kurdes surEI.Dans les heures qui ont suivi, le premier ministre turc, Ahmet Davutoglu, a accusé le groupe État islamique d’être à l’origine de l’attentat. M. Davutoglu présidait mercredi après-midi un conseil des ministres extraordinaire destiné à élaborer un nouveau plan d’action antiterroriste visant à renforcer la surveillance de sa frontière syrienne.

Depuis deux jours, les détracteurs du régime turc l’accusent d’être pour partie responsable des événements deSuruç, dénonçant sa mauvaise évaluation du risquedjihadiste voire, pour les plus virulents, sa complaisance pourEI.Même si elle est membre de la coalition antidjihadiste, la Turquie du président Recep Tayyip Erdogan est jusque-là restée l’arme au pied face à EI. Elle a notamment refusé d’intervenir en soutien des milices kurdes de Syrie, par crainte de voir se constituer une région autonome hostile dans le nord de la Syrie.

Ankara a toutefois récemment commencé à s’attaquer aux filières qui permettent aux recruesdjihadistes de rallier la Syrie via son territoire.Manifs et répression

Depuis lundi, des manifestations, réprimées par la police, ont agité les grandes villes turques pour dénoncer la politique syrienne d’Ankara. Le principal parti kurde de Turquie a appelé à un nouveau rassemblement dimanche après-midi à Istanbul.

Dans ce contexte tendu, l’attaque revendiquée par le PKK mercredi relève vise à « faire passer un message au gouvernement turc », a analysé Max Abrahms, du centre d’études américain Council on Foreign Relations. « Cette violence vise à faire comprendre aux responsables turcs qu’ils sont menacés s’ils continuent à aider EI aux dépens des Kurdes, a déclaré M. Abrahms. Le gouvernement se retrouve désormais sous forte pression, contraint à s’attaquer aux djihadistes sans que les Kurdes en profitent. »Les autorités turques ont par ailleurs affirmé mercredi avoir formellement identifié le kamikaze de Suruç. « Nous confirmons sur la base des analyses génétiques pratiquées que l’auteur de l’attaque est un homme de 20 ans originaire d’Adiyaman » (sud-est), a déclaré un responsable turc sous couvert de l’anonymat. Le jeune homme, identifié sous les initiales S.A.A., a rejoint les rangs d’EI il y a deux mois seulement, d’après la presse turque.

Selon la presse, les autorités turques enquêtent sur d’éventuels liens entre l’attaque meurtrière deSuruç et un autre attentat qui avait fait quatre morts et plusieurs dizaines de blessés lors d’une réunion publique du principal parti kurde de Turquie le 5 juin dernier àDiyarbakir (sud-est), deux jours avant les élections législatives.À la demande du gouvernement, un juge turc a interdit mercredi la diffusion sur Internet des images, souvent insoutenables, prises juste après l’explosion par les témoins, abondamment partagées sur les réseaux sociaux depuis deux jours. Cette mesure a ravivé chez les internautes les craintes d’un nouveau d’un nouveau blocage de Twitter par le gouvernement islamo-conservateur turc, qui s’est attiré les vives critiques des défenseurs des libertés pour l’avoir ordonné à plusieurs reprises.

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