
Produire français, manger français, acheter français… Un étrange vocabulaire, ces derniers temps, court les plateaux, les studios et les rues, qui n’avait plus cours, en tout cas à gauche, depuis l’époque lointaine du national-communisme. Georges Marchais et, par-delà Georges Marchais, le Fils du peuple en personne, Maurice Thorez, seraient-ils revenus parmi nous ? Il n’est pas jusqu’à un mot jadis familier aux hussards noirs de la République, mais de longtemps tombé en désuétude et même proscrit, en dehors des couplets de l’hymne national où il avait trouvé l’asile politique, à croire qu’il écorchait les lèvres roses de nos dirigeants, il n’est pas jusqu’au mot « patrie » qui n’ait été récemment remis en liberté et en circulation Le président de la République en personne s’est habitué à le prononcer sans rire et sans grimacer, avec un naturel bien joué, comme si ce vocable obscène, apanage avec « travail » et « famille » des poujadistes, des populistes, des pétainistes et de tous ceux qui ne songent qu’à nous ramener aux heures les plus sombres de notre histoire, avait récupéré ses droits civiques après plus d’un demi-siècle d’indignité nationale.
Qu’on se rassure. Sans doute d’habiles conseillers en communication ont-ils persuadé les princes qui font semblant de nous gouverner, au terme d’études savantes, que, ce disant, ils plairaient à cette frange sans cesse accrue de la population qui, allez savoir pourquoi, s’est imaginée que son sort était indifférent à des élites déconnectées de la réalité, qui ont depuis longtemps secoué les restes de terre natale obstinément attachés à la semelle de leurs souliers. Mais il ne s’agit que de mots et de poses. Si, tournés vers nos derniers paysans, le chef de l’État et le ministre de l’Agriculture les assurent de leur compréhension et de leur solidarité, ils ne vont pas jusqu’à exiger de nos partenaires européens qu’ils cessent de pratiquer la concurrence déloyale qui ruine notre agriculture. Dans le même temps qu’ils affectent de se préoccuper des problèmes d’une profession d’intérêt national, ils s’apprêtent par le biais du traité transatlantique à ouvrir nos frontières au déferlement d’une industrie agro-alimentaire qui achèvera de passer le nœud coulant autour du cou de nos ultimes paysans. À l’euro, les traités européens et les institutions européennes pénalisent et paralysent notre économie, François Hollande et son symétrique « républicain » préconisent un gouvernement économique supranational.
Après le congrès refondateur d’Épinay, les cadres et les militants du PS s’étaient émerveillés de la facilité avec laquelle François Mitterrand, qui avait le don et le goût de la langue, avait appris à parler socialiste. De l’avis des meilleurs connaisseurs, cela ne voulait pas forcément dire qu’il l’était devenu. François Hollande, qui n’a reçu en partage ni la facilité verbale ni moins encore l’éloquence, s’efforce de parler français. Cela ne veut pas forcément dire…