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campements illicites, Défenseur des droits, Jacques Toubon, la PMA, l’utilisation du Flash-Ball

Jeudi 23 juillet, le Défenseur des droits Jacques Toubon était l’invité de Marc Fauvelle, pour le 7/9 de France Inter. Le journaliste a commencé par rappeler que le Défenseur des droits mène depuis sa prise de position, il y a un an, plusieurs combats pour la défense des libertés et des droits.
L’intervention s’est organisée en deux parties. La première était centrée sur deux dossiers importants du Défenseur des droits que sont sa prise de position sur l’interdiction de l’utilisation du Flash Ball pro dans les manifestations, et la publication de son avis sur l’ouverture de la Procréation Médicalement Assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes célibataires.
Dans une seconde partie, le Défenseur des droits a répondu aux questions des auditeurs sur divers sujets touchant à la défense des droits et à l’égalité entre tous.
Concernant sa prise de position sur l’utilisation du Flash-Ball dans les manifestations, Jacques Toubon a rappelé qu’il s’appuie sur la loi qui confie au Défenseur des droits la mission de contrôler les forces de sécurité dans l’application du code de déontologie, c’est-à-dire l’ensemble des règles régissant leur comportement professionnel. L’action des forces de sécurité doit être toujours marquée par deux caractéristiques : nécessité et proportionnalité. Or, Jacques Toubon juge que le Flash Ball pro, qui fait partie des armes de force intermédiaire, est une arme dangereuse car très imprécise. En effet, le fabriquant lui-même a reconnu que la dispersion des munitions pouvait être de 30 centimètres lorsque le tir est effectué entre 7 et 10 mètres. Cela signifie concrètement que l’on peut viser une épaule et toucher un œil. De fait, de nombreuses personnes ont été gravement blessées lors de manifestations du fait de l’utilisation de cette arme.
Le Défenseur des droits explique que le cadre d’emploi du Flash-Ball nécessite d’être beaucoup plus restreint, ce qu’un rapport de l’institution préconisait déjà en 2013. A la suite de ce rapport, le ministère de l’Intérieur avait publié une instruction le 2 septembre 2014. Or, le Défenseur des droits juge cette instruction insuffisante. En effet, il est selon lui nécessaire que les forces de l’ordre soient pleinement conscientes de la dangerosité d’une telle arme, et que les prescriptions pour l’utiliser soient plus précises. Compte tenu des dommages causés par cette arme, Jacques Toubon préconise son interdiction d’utilisation dans les manifestations, et propose en lieu et place l’utilisation du Lanceur de balle de défense 40×46 qui possède une visée électronique. Il a aussi demandé que le Taser soit équipé d’une caméra afin de contrôler la manière dont il est utilisé, et d’assurer la sécurité des personnes, non seulement civiles mais aussi des policiers.
La discussion s’est ensuite orientée sur la volonté du Défenseur des droits d’étendre la possibilité de recourir à la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires.
Cette question est l’occasion de revenir sur la polémique qui a suivi la nomination de Jacques Toubon. Sur ce point, le Défenseur affirme : « ces critiques ne m’ont pas blessées, elles m’ont laissé pantois sur l’absence de culture historique et politique d’un certain nombre de gens, y compris des gens qui font de la politique de façon professionnelle ». A la question de savoir s’il avait une position que l’on pourrait qualifier « d’aile gauche du PS », Jacques Toubon répond : « je prends la chose d’une manière fondamentale : égalité ou pas égalité ».
L’année dernière, un avis de la Cour de Cassation avait affirmé que l’on pouvait envisager qu’un couple de femmes qui a eu des enfants par PMA puisse adopter ces enfants. « Pourquoi est-ce qu’au nom de l’égalité de toutes les femmes, quelles que soient leurs conditions de vie, les couples qu’elles forment, ne puissent pas adopter, mais aussi procréer ? Ceci implique que la loi sur la PMA en France, qui repose sur des principes de bioéthiques, soit désormais faite en vertu de ces principes d’égalité. C’est une position de logique juridique. »
Jacques Toubon a ensuite répondu aux questions des auditeurs, l’occasion de mettre en lumière l’action du Défenseur des droits sur de nombreux sujets.
Il a ainsi rappelé qu’il se battait au quotidien pour l’application de la circulaire interministérielle du 26 août 2012 relative à l’anticipation et à l’accompagnement des opérations d’évacuation des campements illicites, qui précise les conditions dans lesquelles les camps de réfugiés doivent être démantelés (conditions d’hébergement et de logement, droit à l’éducation pour les enfants de réfugiés, mais aussi droit de toutes les populations à ne pas être discriminées). « En tant que Défenseur des droits, mon rôle est la promotion de l’égalité et le développement de l’accès aux droits pour tous, et en particulier pour les étrangers. Dans une démocratie, l’accès aux droits pour les étrangers est un marqueur de ce que nous sommes ou pas respectueux des droits de l’Homme. »
Un auditeur a ensuite interpellé le Défenseur sur la question de l’accès des handicapés aux lieux publics. C’est un sujet majeur, qui sera particulièrement mis en lumière avec la publication le 20 novembre d’un rapport consacré aux enfants handicapés. « C’est une cause que l’on essaie de faire avancer. Il y a beaucoup de progrès à faire, et les familles peuvent directement contacter le Défenseur des droits ». Le Défenseur peut soutenir la revendication des personnes lorsqu’elles vont devant les tribunaux. Jacques Toubon rappelle à ce sujet que le handicap est la 2ème cause de discrimination dans les cas qu’il traite, la première étant l’origine.
Par ailleurs, Jacques Toubon a été interrogé sur sa position sur le projet de loi renseignement. Il a publié un avis à ce sujet, dans lequel il affirme que le champ d’application parait trop imprécis. En effet, la Convention Européenne des Droits de l’Homme exige que, lorsque l’on porte atteinte aux libertés, cela soit fait dans des conditions plus précises.
Enfin, la dernière question d’auditeur portait sur le camp de réfugiés « New Jungle » à Calais. Jacques Toubon a rappelé à ce sujet que son prédécesseur Dominique Baudis avait fait une recommandation générale pour dénoncer les conditions de vie des réfugiés en France. Depuis trois ans, la situation a beaucoup évolué et l’actuel gouvernement a ouvert davantage la possibilité de demander l’asile, comme en témoigne le nombre conséquent de dossiers traités en ce moment à Calais, qui s’élève à plus de 600. C’est une situation qui préoccupe fortement le Défenseur des droits : il a envoyé une mission de ses services afin d’examiner dans quelle mesure les droits fondamentaux ne sont pas respectés dans les camps de réfugiés. Il a affirmé envisager de se rendre à Calais, tout en mettant en lumière le fait que « le Défenseur des droits n’est pas fait pour faire du spectacle. Si je vais à Calais, c’est pour arriver, après une enquête approfondie, à dire un certain nombre de choses essentielles sur le droit inconditionnel à l’hébergement, sur la lutte contre la traite des êtres humains, et comment il faut traiter le droit d’asile, c’est-à-dire des questions qui concernent les droits fondamentaux ».
Pour retrouver l’intégralité de son intervention : http://www.franceinter.fr/emission-le-79-jacques-toubon