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Dominique de Villepin 
  • Le krach Shanghai, c’est nôtre

    Le krach de Shanghai, c’est aussi le nôtre

La crise de l’économie chinoise est un soubresaut de celle, sans fin, que traverse l’économie mondiale depuis plus de quarante ans. ­La solution passera par une réforme des instances mondiales de régulation et par plus de coopération entre l’Europe, l’Asie et l’Afrique.

La Chine glisse dans la crise. Ne nous y trompons pas, ce n’est pas son krach, c’est bien le nôtre, un soubresaut de plus de la crise sans fin de l’économie mondiale.

La chronologie le montre, suivant le cycle de sept ans qui enchaîne au moins depuis 1973 les crises, en Europe, en Amérique et maintenant en Chine, désormais au cœur de l’économie-monde. A chaque fois, l’ébranlement va s’approfondissant et s’élargissant, additionnant les séquelles de toutes les crises passées : désindustrialisation de l’Europe, déflation japonaise, fuite en avant américaine dans la dette et la planche à billet.

Crise mondiale également par ses symptômes, bulles opportunistes, recours excessif à l’endettement, financiarisation des économies. La dérégulation financière n’a en rien été endiguée.

Crise mondiale, enfin, parce qu’elle se transmettra aux pays fournisseurs de matières premières, entraînant instabilité politique et économique.

La crise de 2008 se perpétue car ses causes n’ont pas été traitées. Elle est avant tout une crise du déséquilibre de la mondialisation, dû pour une large part à l’hégémonie vacillante de l’économie américaine.

Ce monde déséquilibré crée des plafonds de verre pour toutes les puissances en ascension, fin des Trente Glorieuses en Europe en 1973, déclin du Japon à partir de 1990, Chine aujourd’hui, grâce au contrôle des institutions et normes mondiales, hégémonie du dollar, notation financière, audit ou univers numérique. Que dire du FMI, porte-voix occidental d’où les Chinois se sentent rejetés par l’enlisement de la timide réforme de 2010 ?

Le fait nouveau, c’est que la Chine, pays gigantesque et sûr de son destin, disposant d’une zone d’influence économique naturelle en Asie, a les moyens de refuser ce déséquilibre, fût-ce au prix de la confrontation avec les Etats-Unis et de la partition de l’économie mondiale en deux blocs antagonistes.

Personne n’a intérêt à ce scénario qui se traduirait par la guerre des monnaies, la constitution de deux blocs technologiques où les Gafa (Google, Amazon, Facebook, Apple) feraient face à leurs homologues chinois, les Baidu, Alibaba, WeChat et Huawei, le dédoublement des rouages financiers, à l’instar du système Swift, sans compter la scission des circuits d’approvisionnement en matières premières.

L’urgence est de résoudre les déséquilibres pour davantage d’unité, de prospérité et de stabilité, par de nouveaux instruments de régulation.

Une réforme du FMI doit promouvoir un système monétaire mondial fondé sur un équilibre représentatif des grandes monnaies du monde, comme le souhaitait le général de Gaulle dès les années 1960.

Une réforme de la notation financière fédérant des agences nationales et régionales sous la supervision coordonnée des régulateurs favoriserait l’émergence d’acteurs et de critères nationaux et régionaux pour mieux prendre en compte les spécificités des différents pays et mettre fin à ce paradoxe où ce sont les économies les plus endettées qui peuvent dicter où l’argent des économies créditrices doit aller au moindre coût.

La coopération sur des projets structurants dans des pays à faible capacité de développement permettrait plus de croissance et plus d’interconnexion des économies, à l’image des projets de la Nouvelle Route de la soie promue par le président Xi Jinping pour jeter des ponts sur l’Eurasie, ou de ce que l’Europe pourrait proposer en matière de partenariat eurafricain.

A la vérité, à l’issue de cette longue crise, le monde devra se doter d’un gouvernement économique mondial portant l’intérêt général et assurant la régulation, avec une relégitimation des Nations unies et la fin des clubs de circonstance ou de connivence comme le G7 ou même le G20.

Nous, Européens, nous avons la clef de cet avenir. Nous pouvons choisir d’empêcher l’affrontement en faisant preuve d’indépendance et de coopération équilibrée. Des initiatives concrètes sont possibles pour donner le signal.

Lancer une initiative sur l’utilisation du fonds Juncker de 315 milliards d’euros dans des pays tiers, dans le cadre de la coopération sur la Route de la soie et en direction de l’Afrique.

Promouvoir des régulations et coopérations exemplaires dans le secteur clef qu’est la finance – assurances, banque, marchés boursiers – en impliquant pouvoirs publics et acteurs privés.

Réunir les capitales décisives de ce partenariat eurasiatique, Paris, Berlin, Moscou et Pékin, dans un dialogue sur la stabilité politique et économique.

Le repli serait mortel. Seule l’initiative peut nous faire retrouver notre vocation.

http://www.lesechos.fr/idees-debats/