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L’université du Parti socialiste s’est ouvert vendredi 28 août dans une ambiance tendue. Entre défections chez les Verts, à la veille du COP21, et remise en cause des 35h par Emmanuel Macron.

Quand un front anti Valls-Macron émerge sur les quais du port de La Rochelle

Manuel Valls et Emmanuel Macron, têtes de turcs des socialistes à La Rochelle. Crédit Reuters

Par Christelle Bertrand,

La Rochelle, c’est un peu comme ces grandes réunions de famille dont on rêve tout l’été. On imagine les retrouvailles, les embrassades, les gosses qui courent dans le jardin mais au premier dîner, c’est la guerre. Les tensions couvées tout l’été, parfois depuis des années, explosent. Les grands se déchirent sous l’œil atterré des plus petits. Une fois de plus, depuis hier matin, les militants socialistes observent tristement les jeux tactiques des uns et des autres. François de Rugy et Jean-Vincent Placé qui, alors que la COP 21 s’approche, quittent Europe Ecologie les Verts mais surtout Emmanuel Macron qui, depuis Léognan près de Bordeaux, critique les 35h.

La famille se déchire et ça ne fait pas que des heureux. « Franchement, on aurait pu s’en passer », souffle, un peu las, Guillaume Garot, ancien ministre à l’agro-alimentaire et proche de Ségolène Royal. « Ça agite un chiffon rouge sur le code du travail qui n’est pas à l’agenda et on évite le vrai débat sur la baisse de la CSG. Nos électeurs en ont marre des signaux qui ne leur sont pas adressés. Quand Macron dit que le code du travail est répulsif pour l’emploi, il méprise une partie de nos militants », ajoute le frondeur Jérôme Guedj devant un verre. Tous observent avec inquiétude leur famille s’entre-déchirer.

« Se pose à nous la question du réformisme aujourd’hui, du réformisme à gauche. C’est la même ligne de fracture qui traverse aujourd’hui EELV et le PS. C’est une ligne de fracture extrêmement profonde, explique l’ancien ministre. Tous ont bien compris que la sortie d’Emmanuel Macron allait permettre à Manuel Valls de se recentrer, de jouer les défenseurs des 35h. « Ça permet de faire l’unité du PS contre Macron », précise Jérome Guedj. D’ailleurs Manuel Valls devait passer la journée d’aujourd’hui à La Rochelle histoire de récolter les fruits de l’offensive de son ministre de l’Économie. Mais pour quoi faire. Pour aller vers où ?

Pour Guillaume Garot, une recomposition de la gauche est nécessaire si le PS veut avoir une chance en 2017. Intégrer les deux dissidents d’EELV mais aussi le PRG, et le parti de Jean-Luc Benhamias, le Front Démocrate Écologiste et Social. « Les gens ne croient plus en ce que nous faisons, ni en ce que nous sommes capables de faire, juge-t-il. Nos électeurs sont passés de la déception à l’indifférence. Il faut poser des actes qui montrent que l’on a compris le message ». Et il met en garde François Hollande. « Il faut se souvenir de 2002, on avait créé 1 millions d’emplois, on était les rois du pétrole et on a fini à 16%. Il n’y a pas d’indexation de la courbe de l’emploi sur la courbe électorale ». Il aimerait que le chef de l’État se saisisse à nouveau des vrais piliers de la gauche, ait une parole forte sur les migrants, sur l’ascenseur social et met beaucoup d’espoir dans le discours écologiste qui devrait être porté à l’occasion de la COP 21.

Jérôme Guedj ne voit pas les choses de la même manière. Et il entend toujours tirer les lignes en faisant pression en interne sur Jean-Christophe Cambadélis pour qu’il fasse entendre la voix du parti face à un gouvernement rigide. Pour lui, l’échéance majeure, ce sera le budget. Ou le gouvernement assouplit sa politique ou les frondeurs fronderont à nouveau. Il aimerait aussi relancer le débat sur les primaires qui, selon lui, sont la condition sine qua non d’un rassemblement de la gauche en 2017. Et si Guillaume Garot, proche de Ségolène Royal, n’y est, pour sa part, pas favorable, l’un et l’autre disent sur le fond la même chose. La politique du gouvernement doit changer de cap, obliquer à gauche pour réunir la famille et redonner le sourire aux militants. Pas certain que Manuel Valls l’entende ainsi. Pas certain que François Hollande, avide de capter l’électorat centriste, cède à ces sirènes. La grande réunion de famille tant espérée n’est pas encore pour demain.