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Au-delà du drame humain consistant à savoir si l’on doit accueillir ces malheureux ou les rejeter à la mer se pose une autre question, autrement plus cruciale : qu’est-ce que l’Europe ?
Nicolas Gauthier
 En Europe, les jours se suivent et se ressemblent. Barcasses à la dérive s’échouant sur nos côtes. Avec, à chaque fois, des centaines de gueux se pressant à nos frontières. D’abord passer la Grèce. Puis la Macédoine. Puis la Serbie et ensuite la Hongrie, jusqu’à l’Allemagne, la France, et cette lointaine Angleterre faisant figure d’inaccessible eldorado.

Là, c’est la Hongrie qui a dit « stop », en érigeant un mur de barbelés en sa frontière sud. Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, évidemment, était contre : « Il faut, bien sûr, que la Hongrie démantèle ce mur et que l’Union européenne ait une discussion “sérieuse et sévère” avec les dirigeants hongrois. » Et le même Laurent Fabius d’estimer : « Il faut que l’ensemble de l’Europe prenne ses responsabilités. »

Fort bien. Car en cette affaire, l’Occident en général et l’Europe en particulier portent des responsabilités qui n’ont rien de négligeable, ayant semé le chaos en cette région du monde avec les conséquences que l’on sait. Ce, pour des motifs plus ou moins baroques, plus ou moins avouables, allant d’avancées des droits de l’homme en Syrie à la conquête du pétrole en Libye, les actuels problèmes de « migrants » n’étant finalement que la petite monnaie de ce jeu d’échecs à échelle géostratégique.

Du côté hongrois, Péter Szijjártó, ministre des Affaires étrangères, rappelle : « Il apparaît que certaines personnes en Europe sont toujours incapables de comprendre quelle pression stupéfiante et dramatique subit la Hongrie du fait de la migration via les Balkans de l’Ouest. »

Mais, au-delà du drame humain consistant à savoir si l’on doit accueillir ces malheureux ou les rejeter à la mer se pose une autre question, autrement plus cruciale : qu’est-ce que l’Europe ? Un vaste espace de libre marché ouvert aux quatre vents, tel que le souhaitait Margaret Thatcher et ses augustes devanciers, Schumann et Monet au premier chef ? Ou une tierce puissance, capable de faire pièce aux bloc de l’Ouest et de l’Est tout en s’alliant au tiers monde naissant, tel que le voulait le général de Gaulle, au siècle dernier ?

La vérité oblige à dire qu’aujourd’hui, nous cumulons les désavantages de ces deux possibles options. Le marché européen est certes ouvert, mais à nos dépens ; entre-temps, la Chine… Quant à la puissance d’une possible Europe politique, mieux vaut en rire. Lors de la chute du mur de Berlin et de l’URSS, il avait été convenu de la dislocation conjointe de l’OTAN et du pacte de Varsovie. Comme souvent, les Russes ont tenu leurs promesses et, comme toujours, les Américains se sont assis dessus, continuant à nous occuper par bases militaires interposées, sûrement pour nous protéger de l’évident danger de cet axe du mal allant de Bagdad à Pyongyang tout en passant par Téhéran ; lequel n’attendait qu’un moment d’inattention de la Maison-Blanche pour, recta, nous envahir. Vaste blague.

Du coup, privée de frontières, d’identité et d’une politique digne de ce nom, l’Europe vogue aussi vaillamment que ces boutres surchargés de naufragés. Alors, les laisser entrer, pourquoi pas, sachant qu’ils désirent quasiment tous faire leur pelote en Angleterre… Ce que font les Grecs, les Macédoniens, les Serbes, au contraire des Hongrois, mais dont les barbelés ont tôt été submergés. Dans le Nord-Pas-de-Calais, les policiers français, transformés en gardes-frontières par leurs homologues anglais, ne font que déplacer le problème.

Aux antipodes, les Australiens ont choisi de tailler dans le vif : leur marine renvoie ces bateaux issus du Camp des saints de Jean Raspail à leur destination d’origine. Si l’on nous avait dit un jour que l’ancienne Europe prendrait des leçons de politique de ce pays de descendants de bagnards et de déclassés sociaux, on aurait eu peine à le croire. Et pourtant, si !

Boulevard Voltaire – La liberté guide nos pas