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Loin d’être désigné au hasard, il est la cheville ouvrière de l’examen d’un texte devant le Parlement.

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C’est lui qui va porter le texte du début à la fin. Une fois en place, le rapporteur est inamovible et son avis décide du sort des amendements de ses collègues. Le poste est donc très sensible, et il faut montrer patte blanche pour y accéder.

Les règles présidant à sa nomination sont pourtant obscures. Sa désignation par la commission parlementaire est purement formelle. Elle ne fait qu’entériner une décision prise ailleurs.

Des candidats naturels

Dans beaucoup de cas, un choix s’impose. Le nom d’un député vient à l’esprit de tous car il s’est beaucoup investi sur la thématique.

Sur le transport ferroviaire, Gilles Savary (PS) ou Philippe Duron (PS) ont une légitimité incontestable. Le premier a été rapporteur de la loi ferroviaire et du volet transport de la loi Macron. Le second préside l’agence de financement des infrastructures de transport. Entre 2002 et 2012, Jean-Yves Besselat, député UMP du Havre était le rapporteur des textes maritimes.

« Quatre fois sur cinq, le nom du rapporteur sort naturellement du lot », explique François Brottes, ancien président PS de la commission des Affaires économiques.

Encore faut-il que ce député soit disponible au moment de l’examen du texte, ce qui n’est pas toujours possible. Une autre mission ou l’approche d’échéances locales peuvent l’amener à renoncer.

Une série de critères

Si aucun candidat n’émerge spontanément, la décision est prise entre le président de la commission, le chef de file du groupe politique majoritaire (le whip), et le ministre concerné.

Le choix d’un rapporteur dépend alors de plusieurs facteurs. Une grille de critères existe. Appliquée avec souplesse, en fonction du calendrier parlementaire, de la sensibilité du sujet, du nombre de candidatures.

L’intérêt manifesté pour le sujet est le premier critère. Le parlementaire peut avoir une bonne connaissance technique de la matière, mais aussi un intérêt politique lié à sa circonscription. Ce n’est pas un hasard si le député PS de Marseille Henri Jibrayel a été nommé rapporteur pour avis d’une proposition de loi sur les dockers.

Le groupe veille à une juste répartition des places et des rapports. Un député qui a déjà obtenu des rapports ou des postes lui donnant une visibilité devra céder face à celui qui n’a encore rien eu. Les élus planifient donc stratégiquement leurs candidatures.

Concours de beauté

Le poids politique joue également. Un ancien ministre aura plus de chances de décrocher le poste qu’un débutant. Être dans le « bon » courant politique est un critère essentiel. Depuis plusieurs mois, peu de rapports ont été attribués aux « frondeurs » du groupe socialiste.

Mais ce dernier aspect n’est pas rédhibitoire. Il peut être tentant, explique le collaborateur d’un ancien président de commission, de nommer un député que l’on veut neutraliser. Comme rapporteur, il n’aura pas la même liberté d’initiative, et ses proches pourront plus difficilement monter au créneau contre le projet de loi.

La nomination de l’écologiste Denis Baupin, expert reconnu sur les questions énergétiques, comme co-rapporteur du projet de loi de transition énergétique, procède d’un tel calcul.

La recherche du consensus

Le but du président de commission est de trouver un consensus sur la nomination. Le collaborateur d’un ancien président explique qu’il a passé beaucoup de temps « à écouter et pratiquer la calinothérapie » avec les députés de la commission tout au long de son mandat. L’idéal est de parvenir à détecter les rivalités potentielles pour les désamorcer en amont.

Quand il faut trancher, un président de commission dispose de quelques atouts. Il a la main sur la création de missions d’information, et peut ainsi distribuer des rapports de contrôle.

D’autres postes permettent d’exister sur un texte de loi, comme celui de coordinateur du groupe majoritaire. C’est notamment lui qui exprime le point de vue des siens lors de la discussion générale ou des explications de vote.

Des affrontements qui peuvent être féroces

Les batailles peuvent parfois être féroces entre prétendants. Le problème remonte alors au président du groupe majoritaire, qui peut trancher.

Il arrive, rarement, que cela ne suffise pas et qu’un député refuse de céder. En 2008, deux députés demandent à être rapporteur de la loi Hadopi. Christian Vanneste, rapporteur de la précédente loi sur le sujet, en 2005, estime être légitime. Il trouve sur son chemin Franck Riester, élu en 2007, soutenu par le président du groupe, Jean-François Copé, dont il est le voisin de circonscription, en Seine-et-Marne.

Riester l’emporte finalement, mais il faut extraire Christian Vanneste de la salle de la commission et le sermonner pendant un quart d’heure pour qu’il retire sa candidature. Pour ceux qui savent lire entre les lignes, le compte rendu de la réunion porte la marque de la violence de l’affrontement. Par la suite, Christian Vanneste comptera parmi les députés les plus critiques contre la loi Hadopi.

Les rapports dont personne ne veut

À l’inverse, certains textes ne suscitent pas de candidatures. Être rapporteur d’un texte déposé au cours de l’été, et examiné en septembre, sur un sujet technique sans visibilité médiatique est un « mauvais plan » explique un collaborateur de groupe. Le député n’a pas vraiment la possibilité de creuser le sujet, et devra peut-être passer son tour sur une autre loi qui l’aurait davantage intéressé.

L’un des derniers projets de loi du gouvernement est un exemple emblématique de ces textes qui n’attirent pas. Transposant plusieurs directives européennes, ce texte technique relatif à la prévention des risques a été déposé le 15 juillet et doit être examiné en commission le 9 septembre, puis en séance le 16. La rapporteure désignée, Viviane Le Dissez, n’a que peu de liens avec le sujet puisqu’elle est présidente du conservatoire national du littoral.

Mais c’est l’occasion pour elle, au bout de trois ans de mandat, d’obtenir un rapport, dans une commission, celle du Développement durable, qui voit passer assez peu de projets de loi.

 

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