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Dotés de vastes pouvoirs et de moyens humains conséquents, les présidents de commissions sont des pivots discrets, mais incontournables du travail parlementaire.

La salle de la commission des affaires culturelles
La salle de la commission des affaires culturelles All rights reserved

Ancien président de la commission des Affaires économiques de 2002 à 2010, Patrick Ollier (LR) a régné sur sa commission. Le règlement de l’Assemblée lui en donnait les moyens, explique-t-il :

« Le président a tous les pouvoirs pour faire fonctionner sa commission. Il peut convoquer des ministres en audition, déclencher des commissions d’enquête, intervenir dans le processus d’élaboration de la loi. À condition qu’il veuille le faire… »

Un souverain

Ces prérogatives étendues, qu’il exerce sans avoir à en référer au président de l’Assemblée, lui permettent de « dialoguer » avec le gouvernement, parfois de manière musclée :

« En pleine discussion d’une proposition de loi sur l’urbanisme commercial, Bercy sort une circulaire débloquant 500 000 m2 de droits à construire. J’ai appelé le ministre, Luc Châtel, et je lui ai dit que j’allais le convoquer pour une audition devant la commission, et que cela se passerait mal, sauf si cette circulaire était retirée. Elle a été modifiée dans la semaine »,  raconte Patrick Ollier

Les présidents les plus interventionnistes gardent un œil sur les travaux de leurs rapporteurs. Patrick Ollier relisait les rapports avant publication. François Brottes suivait les sujets sensibles, auditionnant les parties prenantes en amont des discussions :

« Sur les sujets les plus rugueux, j’essaie d’avoir ma propre idée avant d’échanger avec le rapporteur. Il m’est arrivé d’organiser des réunions pour voir quel était le point d’atterrissage et m’assurer que nous avions tous bien compris la même chose », racontait-il avant de quitter son poste.

Les présidents interviennent peu, en revanche, dans la gestion des fonctionnaires de la commission, qui sont protégés. Cette mission est du ressort du chef de secrétariat.

Peu de contre-pouvoirs

Théoriquement, c’est le bureau de la commission qui prend les décisions. Composé des vice-présidents et des secrétaires, il rassemble des représentants de tous les groupes. Mais, bien souvent, il ne fait que ratifier les choix du président et leur donner plus de poids. Sauf lorsque le président a besoin d’un appui unanime sur une initiative risquée. La saisine pour avis, sur la loi de Finances, par la commission des Affaires économiques, est un exemple.

Le bureau est surtout un organe de concertation, qui permet au président de consulter, et facilite la diffusion de l’information dans tous les groupes, estime un ancien chef de secrétariat.

Concernant les désignations aux postes de rapporteurs, le président doit tenir compte de la position du groupe majoritaire, exprimée par le « whip » du groupe, qui a quasiment rang de vice-président.

Le poids des tempéraments

Tous en conviennent, la personnalité d’un président compte énormément. Certains sont particulièrement présents dans le travail parlementaire. Ce fut le cas de Jean-Luc Warsmann (UMP). Président de la commission des Lois de 2007 à 2012, il jouait « tous les rôles, celui du président, du rapporteur, voire du gouvernement », explique un haut fonctionnaire parlementaire.

Selon François Brottes (PS), président de la commission des Affaires économiques de 2012 à 2015, créer une ambiance de travail propice au débat est la mission essentielle du président. Là encore, l’impact du tempérament de ce dernier est capital.

Les députés de la commission des Affaires sociales ont pu expérimenter la différence entre le centriste Pierre Méhaignerie, président de 2007 à 2012, et Catherine Lemorton, en place depuis 2012. Réputée pour le côté parfois abrupt de son caractère, elle a créé un climat plus tendu au sein de la commission, racontent plusieurs élus. Les accrochages sont devenus fréquents entre la présidente et des députés LR, notamment l’ancien président de l’Assemblée, Bernard Accoyer.

Savoir tenir sa commission

Un bon président de commission doit pourtant savoir écouter ses députés, estime Patrick Ollier.

« Je n’ai jamais considéré perdre mon temps à échanger longuement avec les députés qui pouvaient poser problème au sein de la commission, car après, ils rectifient leur attitude, ce qui désamorce les conflits. »

La relation de confiance créée permet au président d’obtenir de sa commission ce qu’il veut, y compris lui faire adopter des amendements contre l’avis du gouvernement.

Lors du passage en commission des Lois du projet de loi relatif au Renseignement, les députés ont suivi leur président, Jean-Jacques Urvoas (PS), par ailleurs rapporteur du texte. Une députée PS témoigne :

« Je ne comprenais rien, techniquement, aux enjeux de l’amendement, j’ai fait confiance à Jean-Jacques Urvoas. »

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