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Tout le monde a le droit de se défendre, même les voyous, et si les deux journalistes pris les mains dans le pot de miel marocain peuvent faire annuler les écoutes sauvages où on les entend négocier leur silence contre une liasse de billets, ce sera de bonne guerre. Les colonnes de la presse leur sont ouvertes pour se défendre face à une accusation solidement médiatisée par un ténor du barreau, Me Eric Dupont-Moretti, mais les journalistes en redemandent. N’y a-t-il pas plus croustillant que les confidences d’un flic présumé ripou, d’un magistrat soupçonné de monnayer grassement ses jugements, ou de journalistes accusés de chercher de l’info pour faire chanter un pouvoir en échange de leur non-publication ? C’est dans cette situation que sont aujourd’hui Eric Laurent et Catherine Graciet, deux journalistes mis en examen pour chantage et extorsion de fonds après une plainte déposée par le royaume du Maroc. Lequel verse au dossier l’enregistrement de trois conversations entre eux et l’avocat du roi, où il est question d’un livre brûlot et du versement en petites coupures de 3 millions d’euros. Le prix de leur putatif renoncement…
Un message à ces « donneurs de leçons hexagonaux » ?
Ce n’est pas la première fois que des journalistes entrent avec fracas dans la rubrique « faits divers », mais ce nouveau chapitre intervient dans un contexte particulier. Paris et Rabat sont restés brouillés plus d’une année après qu’un juge français avait projeté d’auditionner l’un des piliers de l’appareil sécuritaire chérifien, après une plainte pour « torture » déposée en France par un ressortissant marocain. Le fil a été renoué à la veille de l’été, avec à la clé un protocole d’entraide judiciaire inédit, au terme duquel Paris s’est engagé à ce que ses juges ne prennent plus jamais ce genre d’initiative, en clair qu’ils renoncent à toute idée de justice « universelle ». C’est moins d’un mois plus tard que le palais royal, avec un plaisir non dissimulé, s’est tourné vers la justice française pour dénoncer deux présumés « pisse-copie » par ailleurs maîtres chanteurs (amateurs).
L’occasion rêvée de remettre à leur place ces donneurs de leçons hexagonaux… Raison pour laquelle, si la justice confirme la version marocaine, cette affaire ne décrédibilisera pas seulement un peu plus les journalistes, elle brouillera ceux qui se battent pour faire progresser les valeurs de la démocratie au Maroc. Le pire tête-à-queue étant celui qui a poussé maladroitement l’un des deux journalistes à invoquer Ben Barka, cet opposant marocain enlevé en plein Paris par un attelage composé de policiers, d’espions et de voyous français et marocains… Les Marocains le leur ont peut-être « faite à l’envers », comme on dit chez les bandits, mais de là à invoquer les icônes des luttes du tiers-monde…
