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Bravons l’interdit et proposons un autre scénario que celui de la soumission selon Michel Houellebecq. Cette prophétie est tout aussi recevable que celle de la lâcheté. Elle est aussi plus plausible, bien qu’elle ne jouisse pas de la même faveur. Elle répond, de surcroît, à la mobilité de la menace terroriste avec les mêmes moyens, et n’en exige aucun autre.
Imaginons que les sociétés de surveillance venues de l’Est déferlent sur l’Europe comme les plombiers polonais. Imaginons que, pour des raisons diverses, une poignée d’entrepreneurs, dans certaines zones réputées « difficiles », commencent à se méfier des sociétés de surveillance traditionnelles, souvent compromises avec le tissu social environnant, c’est-à-dire susceptibles de recruter sans discernement. On imagine très bien qu’en cas de produits sensibles ou de matériaux dangereux, les industriels et les administrations (celles des aéroports notamment), aient un jour envie de faire appel de préférence à des équipes venues de l’Est, réputées, à tort ou à raison, incorruptibles idéologiquement et religieusement (ce qui n’a peut-être été le cas ni sur le site de l’Etang de Berre, ni sur le dépôt de munitions de Miramas. Nous attendons, hélas, le troisième épisode avec une légère appréhension).
Après quelques mois ou quelques années, la réputation vaudra certitude. La loi du marché prendra le relais. On voit déjà qu’en ce moment, par le biais des sous-traitants, même les socialistes se font les complices de l’emploi au rabais en provenance de Roumanie pour l’organisation de leurs congrès. Au bout de cinq ans, ces compagnies spécialisées dans la protection finiront par constituer de véritables milices, rapidement surpayées, d’où le pouvoir qu’elles finiront par détenir en Europe et l’influence qu’elles exerceront sur la société entière.
De l’influence à la politique, le schéma est connu depuis les années 20. Je laisse au lecteur le soin de dresser la cartographie qui lui correspond. Je laisse aussi de côté la question de l’influence russe sur ces groupes, qui se posera tôt ou tard. Les admirateurs des Cosaques, les gens se réclamant de la défense continentale au nom d’une tradition comme celle des « Cent frères de Manol » en Bulgarie, les partisans de la Vierge de Medjugorje, les Serbes revanchards, les Hongrois qui n’ont pas digéré Trianon seront probablement nombreux parmi ces nouveaux vigiles qui se présenteront comme un recours géostratégique en cas de pépin et comme un ferment de résistance alors qu’ils auront commencé par garder les entrepôts.
Il est vrai qu’à bien des égards, l’Europe, en renonçant à sa culture au profit de celle de la marchandise, de la technologie et du blockbuster américain, n’est déjà plus qu’un énorme entrepôt à garder ou plutôt un complexe multisalles, ce qui rendra les choses encore plus tolérables pour sa population.