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Les humanitaires accusent l’Europe d’avoir créé cet afflux en refusant d’aider les réfugiés au Moyen-Orient

La nuit du 5 septembre 2015, 500 réfugiés sont arrivés à la gare de Saalfeld en Allemagne. Partis de Hongrie, ils ont transité par l'Autriche.

La nuit du 5 septembre 2015, 500 réfugiés sont arrivés à la gare de Saalfeld en Allemagne. Partis de Hongrie, ils ont transité par l’Autriche. Image: Hendrik Schmidt/ EPA

C’est impressionnant. Cette année en Europe, il y a déjà à ce stade 60% de requérants d’asile de plus que l’an passé. Entre le 1er janvier et le 1er septembre, 351 314 personnes seraient passées clandestinement sur le Vieux-Continent dans l’espoir d’y trouver un avenir et 2643 ont péri en mer en essayant, selon le décompte de l’Organisation internationale des migrations. Les Syriens forment bien sûr le groupe le plus nombreux parmi les réfugiés cherchant asile en Europe, loin devant toutes les autres nationalités (Afghans, Erythréens, Nigérians, etc.). Comment se fait-il qu’un tel boom n’intervienne que maintenant, après plus de quatre ans de guerre civile? Selon les acteurs humanitaires, la communauté internationale et en particulier les pays européens portent une lourde responsabilité. Voyez plutôt.

Turquie, Liban et Jordanie abandonnés à leur sort

En réalité, les Syriens qui tentent leur chance en Europe ne représentent qu’une infime partie de ceux qui ont dû fuir leurs foyers, la plupart préférant rester dans la région. Ainsi, en plus de quatre ans, la guerre civile a surtout fait 7,5 millions de déplacés internes et 4 millions de réfugiés, dont les trois quarts ont trouvé refuge dans les pays voisins.

Selon les chiffres du HCR, Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés, ils seraient 1,8 million en Turquie, soit 2,3% de la population. Au Liban, il en est venu 1,2 million, c’est-à-dire un quart de la population. Oui, vous avez bien lu: un quart! Et la Jordanie en accueille 630 000, ce qui porte tout de même la proportion à près de 10%. Mais Amman assure qu’il y en aurait beaucoup plus, peut-être le double, car nombreux sont ceux qui refusent de s’inscrire sur des listes de l’ONU, de peur qu’elles tombent un jour entre les mains des espions d’Assad.

Or, la communauté internationale se montre peu empressée à soutenir les réfugiés au Moyen-Orient. L’appel de fonds lancé par l’ONU pour l’année 2015 n’a été financé qu’à hauteur de 41%. Et si les Etats-Unis et les Emirats arabes unis ont versé des dizaines de millions de dollars, l’Europe s’est faite beaucoup plus discrète. Résultat: le Programme alimentaire mondial (PAM) a dû réduire son aide drastiquement cet été, ne soutenant (chichement) que les familles les plus vulnérables. Pour Andrew Harper, représentant du HCR en Jordanie, c’est vite vu: «Si vous ne fournissez pas des ressources à ces pays pour répondre aux obligations d’assistance et de protection, alors les gens vont aller là où ils peuvent trouver cette protection, en Europe.»

Se confiant à un reporter de l’Agence France Presse, Mohamed al-Hariri, un réfugié du camp jordanien de Zaatari, résume bien la situation: «Le monde ignore notre souffrance et les aides humanitaires sont de plus en plus rares. Qu’est-ce que vous attendez de nous? Qu’on meure en silence?»

Daech a tué l’espoir d’une Syrie sans Bachar el-Assad

Si l’Occident est obnubilé depuis juin 2014 par les horreurs que commet le groupe Etat islamique (Daech en arabe), la majeure partie des morts de civils est en réalité le fait du régime syrien, assurent les ONG. L’armée loyaliste n’hésite pas, par exemple, à lâcher sur des quartiers d’Alep des barils d’explosifs. Longtemps, les réfugiés syriens en Turquie, au Liban et en Jordanie ont malgré tout entretenu l’espoir de retourner au pays après la chute de Bachar el-Assad. Mais depuis le lancement il y a un an de la coalition contre Daech, ils estiment que la communauté internationale ne songe plus à mettre le régime en fuite. Les familles se mettent donc à chercher ailleurs un avenir meilleur pour leurs enfants. Du moins, celles qui ont encore les moyens de payer des passeurs.

Le chaos libyen, paradis des mafias des passeurs

Pour compliquer encore le tableau, dans cette Libye où les Européens n’interviennent plus depuis la mort de Muammar Kadhafi en octobre 2011, une nouvelle guerre civile a éclaté l’an dernier. Elle oppose deux gouvernements rivaux: celui que reconnaît la communauté internationale est exilé à Tobrouk (dans l’est) depuis que l’autre, islamiste, s’est imposé à Tripoli. Le chaos généralisé fait le bonheur de Daech et de groupes armés locaux, mais aussi des mafias de trafiquants, dont celles qui contrôlent les filières de passeurs clandestins.

Par ailleurs, les immigrés venus du sud du Sahara, qui ont perdu leur travail en Libye et sont effrayés par la violence, grossissent les flux de voyageurs traversant la Méditerranée. Ils étaient encore 1,7 million dans le pays en 2010, à l’époque de feu Muammar Kadhafi. Combien en reste-t-il à présent?

 

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