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Arabie Saoudite, État islamique, Bachar el-Assad, La Russie, La Turquie, Les Etats-Unis, les Occidentaux, Qatar, Syrie
Depuis quelques semaines, une inhabituelle activité militaire de la Russie en Syrie laisse penser à une intervention future russe contre l’Etat islamique. Une intervention qui inquiète les Etats-Unis. Si leur ennemi principal est le même – l’Etat islamique – l’objectif de la Russie est la survie du régime de Bachar el-Assad, l’ennemi juré des USA.

Depuis plusieurs mois et plus encore ces dernières semaines, les différents mouvements militaires russes laissent à penser que la Russie prépare une intervention en Syrie, sans que pour autant Vladimir Poutine le déclare officiellement. Sur le terrain, quels éléments concrets laissent penser cela ? Quelle analyse peut-on faire de cette situation ? Quelles seraient les intentions russes ? Quel(s) intérêt(s) la Russie aurait-elle à agir seule ?
Alexandre Del Valle Les intentions russes sont beaucoup plus claires que celles occidentales. Les occidentaux assurent qu’ils veulent lutter contre l’Etat islamique, mais ils aident d’autres djihadistes – soit disant modérés – de mouvement masqués, comme par exemple Al Quaida à travers un mouvement plus sympathique Jaish al Fatah, l’armée de la conquête.
Les amis de l’occident, comme le Qatar, l’Arabie Saoudite ou même la Turquie aident ce mouvement. La stratégie de l’occident est bizarre. D’un côté, les occidentaux veulent faire tomber Bachar el-Assad, d’un autre côté ils veulent faire tomber l’Etat islamique.
En revanche, l’intention des Russes est très claire : la survie du régime de Bachar el-Assad face à l’ennemi : l’Etat islamique – ou autre. Ils soutiennent le régime, face à la rébellion islamiste. La stratégie russe a le mérite de la cohérence. Ils ont un ennemi très clair et un allié très clair, tandis que l’occident a plusieurs alliés contradictoires, voire ambigües. La Russie a compris qu’il fallait désigner un ennemi et elle l’a fait. Son allié est le régime de Syrie dont elle veut la survie, et éventuellement un autre allié du régime Syrien qui est l’Iran. C’est extrêmement clair. Nous pouvons même être surpris qu’ils interviennent si tard, mais il faut avouer que la Russie n’a pas une armée qui lui permette d’être sur tous les fronts en même temps.
Son intérêt est lui aussi très clair: la Syrie est son seul allié dans les pays du proche et Moyen-Orient. Elle n’a pas non plus de base installée en méditerranée. Aucun régime ne lui permet d’avoir une flotte, comme c’était le cas à l’Ouest de la Syrie. Depuis des années, le pays n’a aucune débouchée sur la mer méditerranée. C’est pourquoi la Russie a réellement besoin que le régime survive.
Pourquoi les Etats-Unis craignent une intervention russe en Syrie ? Quels en seraient les conséquences ?
Alexandre Del Valle Les USA veulent faire la politique de leurs grands alliés sionistes du golf. Ils n’ont pas intérêt à ce que l’Etat islamique gagne, mais ils n’ont pas non plus intérêt à ce que le régime de Bachar el-Assad reprenne le contrôle de tout son territoire, l’élargisse ou le maintienne. Les Etats-Unis, comme les occidentaux ont deux ennemis sur place: Bachar el-Assad et l’Etat islamique. Ils ne souhaitent pas que leur stratégie soit contrariée par les Russes qui souhaitent que Bachar reste en place. Il y a certes un accord sur la lutte contre l’Etat islamique, mais un profond désaccord sur le maintien de la Syrie de Bachar el-Assad.
Les deux ont des intérêts partiellement convergents, mais aussi partiellement contradictoires. L’Etat islamique est l’ennemi commun, tandis que le régime de Bachar el-Assad est l’ennemi de l’un et l’allié de l’autre. Ce n’est pas un désaccord total, mais un désaccord partiel. Je ne suis pas certain que les conséquences soient terribles. Aujourd’hui, nous voyons plutôt une volonté d’apaiser les tensions avec le conflit ukrainien.
Quelles conséquences aussi sur le reste de l’Europe si la Russie a de plus en plus d’influences en Syrie ?
Alexandre Del Valle : L’Europe, elle-même, est très divisée.
L’Espagne a par exemple gardé jusqu’à récemment ses ambassades en Syrie. Certains pays, comme la France, ont voulu faire les bons élèves de l’Arabie saoudite et du Qatar, et ont rompu tout de suite les liens.