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Le commissaire à la Recherche Carlos Moedas a commencé à identifier les scientifiques européens, qui seront au cœur du nouveau mécanisme de conseil de la Commission Juncker.

Les académies scientifiques européennes ont eu tout l’été pour désigner leurs candidats : la rentrée 2015 sonne le début du travail pour le comité d’identification chargé de nommer une équipe de sept « sages ».

Des scientifiques renommés, qui auront pour tâche de conseiller la Commission européenne dans tous les domaines de la science : pollution, environnement, pesticides, santé…

La mauvaise expérience du conseiller solitaire

Le groupe de haut niveau, censé garantir un conseil scientifique indépendant et transparent, remplace le très controversé poste unique de « Conseiller scientifique principal ». Un poste créé en 2011, à la demande de José Manuel Barroso, qui avait souhaité placer une personnalité scientifique à ses côtés pour lui prodiguer « des conseils d’expert indépendant ».

Tenu par Anne Glover, une biologiste moléculaire écossaise, ce rôle avait été pendant deux ans et demi au cœur de nombreuses polémiques.

Le travail de la conseillère n’a jamais été rendu public, une confidentialité considérée par Anne Glover elle-même comme « normale, dans le cadre d’avis donnés par un conseiller à son président ».

Les scientifiques et les ONG ne se sont cependant jamais ralliés à cette opinion, notamment lorsque la conseillère a exprimé des opinions personnelles sur les OGM ou les gaz de schiste.

Mais c’est son intervention dans le travail de la Commission sur les perturbateurs endocriniens (Lire notre article) qui sonnera la fin de la fonction de Conseiller scientifique principal : Anne Glover a invité plusieurs scientifiques à débattre sur la future réglementation, sans relever leurs liens forts avec différentes industries. Une situation qui relevait du conflit d’intérêts.

C’était « tout ce dont un lobbyiste peut rêver, explique Martin Pigeon de Corporate europe observatory : une seule personne, sans aucune équipe puisqu’Anne Glover n’avait en gros qu’une secrétaire. Plus l’avis scientifique est concentré, plus il est facile de le contrôler. »

Le poste sera effectivement supprimé fin 2014. Jean-Claude Juncker demande alors à son équipe d’engager une réflexion.

Groupe d’experts collégial

En mai 2015, le commissaire à la Recherche propose au président de l’exécutif une nouvelle manière d’institutionnaliser le recours à des conseillers scientifiques indépendants au sein de la Commission européenne.

« L’objectif est de faire en sorte que le recours à des experts soit dégagé d’intérêts politiques ou institutionnels, et soit transparent, explique Carlos Moedas. Le conseil scientifique doit s’appuyer sur des données probantes, venant d’horizons différents. »

Dans la communauté scientifique, la décision était attendue : « Juncker est un supporter de la science, explique le biologiste français et Prix Nobel 2011 Jules Hoffman, et nous scientifiques, allons maintenant pouvoir transmettre nos inquiétudes à travers ce comité. »

Le nouveau mécanisme, plus collégial, est assorti d’un budget de 5 millions d’euros. Une équipe d’une vingtaine de personnes, dirigée par Jean-Claude Burgelman, sera constituée au sein du département Recherche de la Commission.

Clarifier les relations avec le JRC et les agences de l’UE

Parmi les ONG, qui avaient demandé l’instauration du nouveau système, on attend plus d’information sur le processus global : « Ce mécanisme vaut mieux qu’une seule personne bardée d’intérêts particuliers, détaille André Cicolella, Président du Réseau environnement santé. Mais l’autre point important dans l’expertise scientifique est le rôle des agences qui entourent la Commission et sont censées l’éclairer. Certaines ne jouent pas leur rôle, on l’a vu pour les perturbateurs endocriniens. Il faut que la Commission rompe avec ces mauvaises habitudes. »

Les relations du futur groupe d’expert avec ces agences, qui conseillent habituellement les commissaires, ou le JRC (Joint Research Center), ne sont pas encore connus :

« Il faut une définition de ces liens, afin que le nouveau groupe ne soit pas un court-circuit de plus pour les lobbyistes. Et il faut un renforcement de l’expertise interne, ajoute Martin Pigeon de Corporate Europe Observatory, car la contre-expertise est la meilleure des armes contre les lobbies. »

« Ce nouveau comité sera surveillé de près pour garantir indépendance et transparence », affirme-t-on à Greenpeace UE.

Le nouveau mécanisme de consultation scientifique doit être opérationnel cet automne.

 

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