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ndétrônable, elle a transformé tant son parti que son pays. La crise des réfugiés n’en est que le tout dernier exemple.
Angela Merkel. Image: Reuters
Qui s’imaginait qu’elle irait aussi loin? Surtout pas ses «amis» conservateurs de l’Union chrétienne démocrate (CDU). En 2000, lorsqu’elle a été élue présidente de ce parti, ils étaient nombreux à souffler aux journalistes: «Elle n’y arrivera jamais!» Et sa victoire aux élections du 18 septembre 2005 fut paradoxalement un revers électoral. Alors que les sondages accordaient 40% à la CDU, le parti n’avait obtenu que 35%. Expression d’une certaine défiance des Allemands à son égard.
Dix ans après, tout a changé. Merkel agit comme une drogue. Ni la CDU ni l’Allemagne ne peuvent s’en passer. La chancelière n’a pas encore déclaré sa candidature pour 2017 mais on n’imagine pas qu’elle renonce à un quatrième mandat. Dans les sondages, la CDU a plus de 15 points d’avance sur le Parti social-démocrate (SPD). Merkel peut même envisager de gouverner toute seule l’Allemagne, sans coalition, comme elle a failli le faire en 2013.
Que de chemin parcouru! Il y a quinze ans, les conservateurs applaudissaient encore à leur congrès le discours d’un ancien membre du parti nazi, l’ex-ministre-président Hans Filbinger, qui dénonçait l’homosexualité comme une «perversion» et rêvait de renvoyer chez eux les immigrés.
Métamorphoses
Depuis, la chancelière a dépoussiéré l’ancien parti réactionnaire. Les conservateurs ont supprimé le service militaire. Leur politique familiale favorise le travail des femmes. La CDU a abandonné l’énergie nucléaire et fait élire un maire homosexuel à Hambourg. Elle a accepté que l’Allemagne soit un pays d’immigration, un virage à 180 degrés! Et c’est un président conservateur, Christian Wulff, qui a déclaré en 2010: «L’islam fait partie de l’Allemagne.»
Angela Merkel a toujours adopté une attitude sans ambiguïté face à l’extrême droite. Elle s’est débarrassée des ténors du parti qui menaient des campagnes électorales xénophobes. Elle a exclu toute alliance avec les populistes d’AfD (Alternative pour l’Allemagne) et condamné sans détour les manifestations anti-islam de Dresde (Pegida). Aujourd’hui, la CDU s’intéresse à l’intégration.
Le recentrage réussi de son parti lui a permis de gouverner avec les sociaux-démocrates et de former, en 2005 et en 2013, deux «grandes coalitions» avec succès. Merkel a fait tomber tellement de barrières que les conservateurs envisagent même une alliance fédérale avec les écologistes.
Terre d’accueil
Enfin, elle a montré son vrai visage dans la crise des migrants en rabrouant ses détracteurs de la CSU (branche bavaroise du parti). «S’il faut s’excuser de se montrer accueillant dans une situation de crise, ça, ce n’est plus mon pays!» a-t-elle lancé à l’adresse de ses amis «chrétiens» bavarois. L’ancienne fille de pasteur est-allemand a ouvert les frontières. Elle incarne cette étonnante «Allemagne terre d’accueil» dont ses concitoyens sont si fiers. Plus forte que jamais, Merkel peut à présent affirmer sa vraie personnalité: celle d’une femme indépendante. (TDG)