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Alain Juppé, François Fillon, Nicolas Sarkozy, Primaire des Républicains, Programme commun
Alain Juppé et Bruno Le Maire n’entendent pas se laisser lier les mains par le programme commun proposé au Touquet par Nicolas Sarkozy. Quitte à passer pour des diviseurs, une stratégie qui pourrait s’avérer risquée, ils continuent à travailler sur leur propre corpus idéologique.
Par Christelle Bertrand,
A la tribune, il s’enflamme et déclame comme on s’offusque qu’une telle évidence n’ait pas encore sauté aux yeux de tous. « Si on habite la même famille politique, si on porte depuis tant d’années les mêmes combats, c’est que les points communs entre nous doivent être plus forts que les différences. Il y aura donc avant les primaires un projet d’alternance, qui engagera tous ceux qui seront candidats aux primaires. » La salle applaudit à tout rompre. Les jeunes militants qui se trouvent au Touquet pour leur campus de rentrée, sarkozystes ou non, rêvent d’unité, de combat commun pour battre la gauche.
Le premier rang, en revanche, constitué d’élus, fait la grimace.
Cette histoire de programme commun, ça n’est pas la première fois que Nicolas Sarkozy en parle. C’est sa petite trouvaille à lui, pour contraindre ses concurrents à suivre la ligne du parti, les priver de liberté, les empêcher de se distinguer. Son petit cadeau de rentrée. Jusqu’ici cette proposition avait été faite à demi-mot, aux détours d’une phrase. Cette fois, il la martèle, la claironne même car le moment s’y prête, la campagne des régionales qui s’ouvre impose, en effet, aux différents impétrants de mettre en sourdine leurs divergences. Le président des Républicains a donc décidé de s’engouffrer dans la brèche pour aller un peu plus loin et imposer son programme à tous, sans grand espoir d’être entendu.
Et pour bien montrer qu’ils n’entendent pas se soumettre, dès la parution des 12 propositions sur l’immigration qui depuis jeudi sont soumises au vote des militants Républicians et qui doivent constituer une partie de ce fameux programme commun, Alain Juppé, Bruno Le Maire et Nathalie Kosciusko-Morizet ont souhaité s’exprimer afin de prendre leur distance. Nathalie Kosciusko-Morizet refuse l’idée des centres de rétention pour demandeurs d’asile, Alain Juppé s’interroge sur le rétablissement du contrôle aux frontières, se déclare contre la suppression de l’aide médicale d’État (AME) et ne souhaite pas refuser la nationalité aux enfants nés en France de parents sans papier. Enfin, il refuse d’opposer assimilation et intégration comme le fait Nicolas Sarkozy dans le douzième point qu’il a souhaité ajouter. Bruno Le Maire, lui, a préféré répondre par vidéo. « Nous avons moins besoin de déclarations radicales que de décisions radicales », explique-t-il. Il demande que les déboutés du droit d’asile soient effectivement raccompagnés à la frontière comme toutes les personnes visées par une obligation à quitter le territoire français (OQTF). L’ancien ministre souhaite aussi que les règles du regroupement familial soient respectées. » Il se dit attaché à une meilleure intégration des nouveaux arrivants sans piper mot du concept d’assimilation évoqué par Nicolas Sarkozy. L’ancien ministre a d’ailleurs choisi de ne répondre à aucune des questions posées par son parti aux militants. François Fillon, dont l’entourage n’a pas souhaité répondre à nos questions, aborde pour sa part la question différemment expliquant à France 2 que la copie des Républicains s’inspirait de ses propres propositions.
Et chacun des candidats entend bien poursuivre l’élaboration de son propre programme. Comme Alain Juppé, qui sortira en janvier un livre détaillant ses propositions sur les questions régaliennes. « Depuis 1965 et l’élection du Président de la République au suffrage universel, c’est le candidat qui fait son programme », explique un proche du maire de Bordeaux qui n’image pas un seul instant qu’il en soit, en 2017, autrement. « Rien de verrouillera rien, aucun militant n’attend des primaires qu’elles soient un concours de beauté », reconnaît le député des Français de l’étranger Frédéric Lefevbre ancien proche de Nicolas Sarkozy.
Nicolas Sarkozy s’est-il bercé d’illusions ? A-t-il était assez candide pour croire qu’un simple coup de menton au Touquet suffirait à contraindre ses concurrents ? Le président des Républicains qui n’est plus naïf depuis longtemps, entend ainsi souligner l’individualisme de ses opposants. Il espère démontrer que les autres ne pensent qu’aux primaires alors que lui-même se bat pour maintenir l’unité de sa famille menacée par les rivalités. Un discours qui rencontre un écho d’autant plus positif chez les militants que la campagne des régionales qui commence impose de se serrer les coudes. D’ailleurs, Alain Juppé, qui l’a bien compris, multiplie les déplacements pour soutenir les candidats en région. Il était encore hier aux cotés de Xavier Bertrand dans le Nord. Bruno Le Maire, pour sa part, assume une stratégie plus personnelle.