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Le lobby pro-israélien aux Etats-Unis existe et il est influent. Pas de doute sur cette affirmation, pour Ömer Taspinar. Mais le chroniqueur attire l’attention sur le fait que le lobby pro-israélien a perdu la bataille contre l’accord sur le nucléaire iranien qui vient d’être entériné par le Congrès américain.
Le président américain Barack Obama échange quelques mots avec le président de l’AIPAC, Lee Rosenberg, à la session d’ouverture de la conférence annuelle de l’AIPAC le 4 mars 2012 à Washington.
La Turquie, bien qu’elle soit une alliée de l’OTAN, n’est pas exempte, cette pensée étant souvent exprimée parmi les échelons supérieurs de la classe politique. Une version penchant beaucoup moins pour le complot est partagée par les critiques de gauche des administrations américaines. La critique du pouvoir du lobby pro-israélien a même été approuvée par des professeurs de la Ivy League (nom du groupe de huit universités privées du nord-est des États-Unis figurant parmi les plus anciennes du pays) comme John Mearsheimer et Stephen Walt.
Un acteur très puissant auprès du Congrès américain
Parfois appelé lobby juif – à tort selon moi car tous les juifs américains ne soutiennent pas Israël – le lobby pro-israélien est un acteur très puissant auprès du Congrès et exerce une influence d’ampleur sur l’administration, notamment par le biais d’organisations comme le American Israel Public Affairs Committee ou Comité américain pour les Affaires publiques israéliennes (AIPAC).
En outre, notons que le lobby pro-israélien est, d’un point de vue démographique, plus important que la communauté juive américaine qui compte 6 millions de personnes, en grande partie grâce au soutien de la droite chrétienne et en particulier aux 40 millions de soutiens fervents d’Israël au sein des segments évangéliques de la société américaine.
Un accord contesté par le lobby et Israël
Mais l’influence n’est pas synonyme de domination ou contrôle. Le cas de l’accord sur le nucléaire iranien en est la preuve. Cet accord, qui a réussi la semaine dernière à surmonter tous les obstacles au Congrès malgré la ferme opposition de tous les républicains et du lobby pro-israélien, montre que la diplomatie américaine possède bien plus de ressources que ne le croient les critiques.
Ce que montre l’accord sur l’Iran, c’est qu’un président américain déterminé et astucieux peut dépasser même les tactiques les plus agressives du lobby pro-israélien et d’Israël même. Le discours sans précédent de Benjamin Netanyahou au Congrès il y a quelques mois est un exemple flagrant qui montre à quel point le lobby et Israël se sont opposés à l’accord sur l’Iran. L’AIPAC a fait tout ce qui était en son pouvoir pour dénoncer les conséquences politiques et financières de l’accord et convaincre les membres du Congrès. Pourtant, au final, le lobby a échoué.
Les défaites passées du lobby pro-israélien
Il est temps de faire le point sur les théoriciens du complot qui n’ont cessé de pointer du doigt le fait que le «lobby juif» contrôlait et modelait la politique étrangère américaine. Je vais citer deux points sur lesquels devrait se focaliser tout théoricien du complot convaincu de son argument sur le lobby pro-israélien. D’une part, l’histoire. Ce n’est pas la première fois que le lobby n’a pas réussi à obtenir ce qu’il voulait.
L’AIPAC s’est opposé au projet de Jimmy Carter en 1978 qui voulait vendre des chasseurs F-15 Eagle à l’Arabie saoudite. Trois ans plus tard, le lobby s’est opposé à Ronald Reagan sur les avions de reconnaissance utilisant le système de détection et de commandement aéroporté (SDCA) pour les Saoudiens. Le groupe n’a pas obtenu gain de cause et a connu une défaite similaire lorsque George Bush s’est opposé aux garanties d’un emprunt pour Israël en 1991.
Des lobbys qui pèsent bien plus lourd
D’autre part, le lobby est un acteur parmi beaucoup d’autres qui tentent d’influencer la politique étrangère américaine. Les négociations au Congrès sont tout d’abord régies par la concurrence entre les différents lobbys. Oui, le lobby pro-israélien est très puissant. Mais on pourrait dire la même chose concernant le «lobby du pétrole» ou le «lobby des armes».
En effet, le pouvoir financier des sociétés énergétiques et d’armement pèse bien plus lourd que la puissance de feu du lobby pro-israélien. Et devinez où se trouve le principal marché des sociétés énergétiques et de l’industrie de l’armement ? Au Moyen-Orient bien sûr, et en particulier dans les pays du Golfe.
C’est pourquoi, au lieu de constamment parler des kabbales juives ou de l’influence du lobby pro-israélien, nous ferions mieux de passer plus de temps à critiquer la politique étrangère américaine en nous focalisant sur le rôle de l’argent en politique américaine et du besoin d’introduire de sérieuses réformes financières.