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Yves Petignat

 

Simonetta Sommaruga et Didier Burkhalter ont présenté ensemble les engagements de la Suisse face à la crise des migrants. (Keystone)
Simonetta Sommaruga et Didier Burkhalter ont présenté ensemble les engagements de la Suisse face à la crise des migrants. (Keystone)

La Suisse, non-membre de l’UE, veut démontrer sa solidarité avec les pays européens submergés par les flots de réfugiés. Elle participera au programme de répartition de 40 000 personnes décidé par l’UE en juillet, en accueillant d’abord 1500 réfugiés enregistrés en Italie et en Grèce. Mais elle est prête à assumer sa part des 120 000 personnes supplémentaires que l’UE peine à répartir entre ses membres

Solidarité envers l’Europe et les réfugiés, responsabilité face au peuple suisse: c’est le double message que le Conseil fédéral, par la voix de la présidente Simonetta Sommaruga, a voulu faire passer vendredi. Il a annoncé la participation de la Suisse au premier programme de répartition européen de 40 000 personnes à protéger, soit l’accueil de 1500 ressortissants syriens ou irakiens enregistrés en Grèce et en Italie. De plus, la Suisse se préparera à participer à un second programme portant sur 120 000 réfugiés. Au total, le pays pourrait accueillir quelque 8000 ressortissants syriens ou irakiens dans les deux ans.

Mais, en même temps, le Conseil fédéral ne cède pas aux pressions de l’UDC: la Suisse est épargnée par les grands flux de réfugiés, les conditions ne sont donc pas réunies pour réintroduire le contrôle systématique aux frontières. Pour autant, le gouvernement veut éviter de tomber sous les critiques de la droite nationale-conservatrice.

Certes, constate-t-il, la Suisse ne figure pas parmi les premiers pays de destination des migrants qui passent par la Turquie et les Bal­kans. Mais il n’exclut pas qu’une partie du flux migratoire se déplace. Les autorités se sont donc attelées aux préparatifs nécessaires pour conserver leur marge d’action. Il s’agit de montrer à la population qu’il n’y a pas de chaos dans l’asile. La Défense est prête à fournir matériel et installations nécessaires et l’Economie étudie la possibilité d’affecter davantage de civilistes au domaine de l’asile. Et les gardes-frontière renforceront les patrouilles et contrôles mobiles.

La présidente de la Confédération ne s’en est pas cachée, la Suisse veut faire la démonstration de sa forte volonté politique de s’impliquer dans la crise et d’assumer ses responsabilités. C’est l’occasion pour elle de prouver que si certains Européens lui reprochent parfois de jouer les pique-assiette, elle sait se montrer solidaire.

C’est aussi l’occasion de répondre aux critiques de ceux qui dénonçaient jusqu’ici une réaction timorée des autorités face à l’ampleur de la crise. Simonetta Sommaruga ne cache pas qu’elle veut redonner aux Suisses le sentiment d’être fiers de leur tradition humanitaire.

Les 1500 réfugiés que le Conseil fédéral veut accueillir dans les deux ans sont à déduire du contingent de 3000 personnes dont l’accueil avait été décidé en mars. Ce programme vise essentiellement des personnes fragiles, handicapées, malades, personnes âgées, femmes avec enfants.

Mais, alors même que l’UE n’est pas parvenue, lundi, à se répartir le quota de 120 000 Syriens ou Irakiens supplémentaires, le Conseil fédéral prend les devants. Il a chargé le Département de justice et police de mener des consultations avec les cantons afin de préparer une participation de la Suisse à cet éventuel programme de relocalisation, destiné à soulager les pays de premier accueil, Italie, Grèce ou Hongrie. Il s’agit de recenser les possibilités d’accueil des cantons et de les associer directement à une prise en charge de contingents supplémentaires.

Simonetta Sommaruga estime que, selon la clé de répartition retenue par les pays membres de l’espace Schengen, la Suisse pourrait recevoir 4500 à 5000 réfugiés supplémentaires. Au total, la Suisse, qui a déjà accueilli quelque 9000 ressortissants syriens au titre de la protection humanitaire ou du regroupement familial, serait prête à en accueillir dans les deux ans quelque 8000 de plus.

Au passage, la présidente de la Confédération n’a pas manqué d’épingler l’UE, «qui a échoué à se donner les instruments indispensables pour faire face à des situations extraordinaires».

Le Conseil fédéral soutient d’ailleurs fermement l’idée de l’instauration d’un mécanisme durable et contraignant de répartition des personnes à protéger. De même que l’installation de «hot spots» ou centres d’enregistrement européens dans les pays de premier accueil. Car, pour Simonetta Sommaruga, il est vital que l’Europe se donne les moyens de faire face à ce type de crise qui risque de se prolonger à l’avenir.

Parallèlement, la Suisse va accentuer son aide sur place, avec un engagement de 70 millions supplémentaires. Il s’agit notamment de soutenir les organisations internationales, comme le CICR ou le Programme alimentaire mondial (PAM), qui, à bout de ressources financières, en sont déjà réduites à diminuer les rations de nourriture.

La Suisse, qui a déjà engagé plus de 200 millions de francs dans l’aide aux populations syriennes, en appelle donc à la responsabilité des Etats européens pour ne pas laisser tomber les programmes des ONG. «S’il n’y a pas un effort supplémentaire, l’aide d’urgence ne pourra plus être assurée avant la fin de l’année», a mis en garde le ministre des Affaires étrangères, Didier Burkhalter.

Une partie des 70 millions devrait aussi permettre de soutenir l’action diplomatique de la Suisse, dans l’espoir de prolonger le processus de paix sous l’égide de l’ONU. Le Conseil fédéral se dit prêt à accueillir à Genève des discussions réunissant toutes les parties impliquées dans la crise.

http://www.letemps.ch