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Par Pierre-Olivier Rouaud

 
Crédits : Elodie VallereyEt soudain tout changea… Il a suffi de quelques jours, en pleine crise des réfugiés en Europe, pour que l’Allemagne modifie son image aux yeux du monde. La décision subite d’Angela Merkel, d’ordinaire si prompte à tergiverser, d’accueillir jusqu’à 800 000 réfugiés, a pris par surprise les chancelleries et les Allemands eux-mêmes.

Oubliées les caricatures de la Chancelière en uniforme nazi, brandies par les militants d’extrême gauche ulcérés, place Syntagma, devant le Parlement grec. « Frau Europa », comme l’avait surnommée le magazine « Time », s’est muée en une sorte de Mère Teresa.

Alors que le sujet déchire les opinions et le personnel politique dans toute l’Europe, le plus singulier est qu’une large majorité du pays s’est rangée derrière elle. Sûr de lui et non dominateur, le peuple allemand, pour sa plus grande part, fait soudain preuve d’une sorte d’assurance tranquille. Il y a de nombreux ressorts derrière ce virage inattendu, à commencer par le poids de l’histoire. Mais l’un des plus puissants est économique.

un sentiment de confiance

Au sein d’une Europe, perçue de ce côté du Rhin comme irrémédiablement vouée à la morosité, notre voisin se porte bien, tout simplement. La croissance, sans faire d’étincelles (1,9 % attendu cette année), est assez vive pour donner le sentiment aux Allemands que leur pays avance. Le PIB par habitant n’a jamais été aussi élevé (33 000 euros) et l’indice de confiance des consommateurs se situe à des plus hauts depuis plus de dix ans. Les exportations ont crevé les plafonds l’an dernier et l’excédent commercial (217 milliards d’euros) a battu son record historique de 2007. Bref, la machine allemande tourne à plein.

À Wolfsburg, Stuttgart ou Munich, les chaînes automobiles ont assemblé 5,9 millions de véhicules en 2014, plus qu’avant la grande crise de 2008. En France, dans le même temps, la production était divisée par deux (1,8 million). Quant au chômage, il rase les pâquerettes. Le taux national de 6,1 %, au plus bas depuis la réunification, cache certes de profondes disparités, et certains länder de l’Est pointent encore à 11 %. À l’inverse, dans le Sud, en Bavière et au Bade-Wurtemberg, il dépasse à peine plus de 3 %.

Au royaume des Bosch, Siemens, BMW et de ces myriades de PME survitaminées, c’est le plein-emploi. On manque de bras. Dans une nation vieillissante, il est aisé de voir dans l’accueil massif des réfugiés, une réponse un peu cynique à cette crise démographique. De fait, l’Allemagne n’a jamais abrité autant d’étrangers : 8,1 millions au total, soit 10 % de la population. Sa croissance démographique est même, grâce à eux, repassée dans le vert en 2014. Mais le vrai ressort de cette  » nouvelle Allemagne » n’est-il pas simplement la confiance en soi ?

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