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Cette semaine ont été annoncées deux nouvelles opérations capitalistiques. Altice, le groupe de Patrick Drahi, a annoncé le rachat d’un second opérateur de cable étasunien. AB InBev, lui, voudrait racheter SAB-Millier pour 88 milliards. Deux opérations qui en disent long sur notre époque.

Des opérations extravagantes

Les chiffres donnent le vertige quand on les met bout à bout. Le groupe de Patrick Drahi, ne réalisait encore que 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2013, notamment autour de Numéricable. L’homme d’affaire conserve une majorité de l’entreprise, dont le siège social est en Hollande, via une holding domiciliée dans un paradis fiscal. Tout s’accélère début 2014, avec le rachat pour 13,5 milliards d’euros de SFR, deuxième opérateur téléphonique Français. Déjà, il est pour le moins surprenant qu’une entreprise puisse emprunter l’équivalent de 4 fois son chiffre d’affaires pour acheter un rival plus gros que lui. En décembre 2014, Altice poursuit ses acquisitions en rachetant pour 7,4 milliards d’euros Portugal Telecom, puis 70% du cablo-opérateur étasunien Suddenlink en mai 2015 pour 9 milliards.

Et après avoir échouer à racheter Bouygues Telecom pour 10 milliards d’euros en juin de cette année, le groupe tourne son attention à nouveau outre-Atlantique. Cette semaine, il a annoncé le rachat d’un nouvel cablo-opérateur étasunien, Cablevision, pour 17,7 milliards de dollars. Le groupe devrait réaliser plus de 20 milliards d’euros de chiffre d’affaire cette année, pour un endettement cumulé de plus de 40 milliards ! Altice finance l’essentiel de ses acquisitions par des dettes, complétant le tour de table par des participations minoritaires de deux fonds aux Etats-Unis. Parallèlement, le groupe AB InBev, leader mondial et déjà acteur d’opérations capitalistiques d’envergure, semble vouloir racheter le deuxième brasseur, SAB-Miller, déjà bien placé en Afrique, le nouvel eldorado du secteur.

Exubérant et surtout injuste

Bien sûr, cette boulimie acheteuse a un lien avec le niveau très faible des taux d’intérêt, comme le souligne la presse, La Tribune parlant il y a quelques mois de « Dette academy », le faible coût de l’argent assurant la rentabilité de telles opérations. Mais le journal citait aussi un analyste qui disait en mai 2015 que « dans ce secteur, on n’a jamais vu un opérateur faire autant d’acquisitions dans un laps de temps aussi réduit. Même au moment de la bulle Internet, jamais un groupe n’avait signé autant de deals de cette manière, coup sur coup », avant cette nouvelle acquisition, qui augmente encore la dette du groupe de 50% ! Cette façon de procéder pose des questions sur les modes de fonctionnement d’un capitalisme où il est si facile d’utiliser la dette pour grossir ou même acheter plus gros que soi.

Après tout, est-il vraiment si juste qu’un entrepreneur, aussi brillant soit-il, puisse réaliser de tels montages, qui ne profitent finalement qu’aux actionnaires, à ceux qui les financent et à leurs dirigeants (ceux d’AB InBev s’étant distingués par des bonus de 2,5 milliards !), alliés dans une coalition qui ne crée de la valeur que pour eux, en lessivant les organisations qu’elles restructurent ? La grande machine folle du capitalisme dérégulée valorise ici une façon de faire qui est une des raisons de l’explosion des inégalités des dernières décennies, quand une éite, poussée, il faut bien en convenir, par les modes de fonctionnement économique que nous nous sommes donnés, essore les salariés pour son propre bénéfice uniquement. On retrouve la même alliance qui existe pour doper la nouvelle économie.

Patrick Drahi n’est pas plus coupable qu’un autre. Il ne fait que jouer avec les règles de nos sociétés. Mais devant le caractère proprement exubérant, fou et injuste de leur produit, il apparaît plus que nécessaire d’en changer fondamentalement. Il est triste que nous n’ayons pas davantage avancé depuis 15 ans.

http://www.gaullistelibre.com