Le monde politique sort un peu plus rapetissé, ridiculisé, de la crise humanitaire qu’il a créée en Europe au nom des droits de l’homme. L’irréflexion des autorités allemandes et françaises, incapables d’imaginer les conséquences immédiates de leurs invitations lancées à l’aveuglette aux « réfugiés », confirme l’emprise de l’émotivité infantile sur les dirigeants. Ceux-là se disent bruyamment « humanistes » au prétexte qu’ils appliquent le b.a.-ba de l’antiracisme officiel, qui donne la priorité aux minorités sur les autochtones. C’est ainsi que 77 310 logements HLM viennent d’être mis à la disposition des migrants, tandis que la Fondation Abbé Pierre estime à 3,5 millions les Français mal logés ou en errance. Reste que la volte-face d’Angela Merkel, qui a décidé dimanche de rétablir des contrôles aux frontières de son pays envahi, signe sa légèreté initiale. Ceux qui l’acclamaient ont l’air malin…
La chancelière a-t-elle lu, avant son soudain revirement,Le Camp des Saints ? Réédité il y a quelques jours en Allemagne sous le titre Das Heerlager der Heiligen, le roman prophétique (1973) de Jean Raspail décrit le renoncement de la France à faire face à l’invasion de pauvres hères débarquant les mains nues de bateaux pourris s’échouant sur les rives de la Côte d’Azur. La culpabilisation occidentale et l’avachissement des « élites » concourent aujourd’hui à cette submersion. La semaine dernière a été l’occasion de vérifier l’envoûtement des belles âmes : Le Point s’émerveillait de « L’incroyable Madame Merkel », tandis que Le Monde lui promettait le prix Nobel de la paix. Après avoir elle-même tweeté « Bienvenue » (également en arabe), la maire de Paris, Anne Hidalgo, doit faire face à une multiplication de campements sauvages, jusqu’aux portes de la mairie du XVIIIe arrondissement.
Mais cette comédie des bons sentiments et des intérêts mercantiles a été, par les désordres et les risques créés, la scène de trop : après quarante ans d’intolérances idéologiques, l’édifice droit-de-l’hommiste se fissure, victime de ses oukases, injustices, incohérences. Certes, le manichéisme officiel permet encore au PS de dénoncer « l’égoïsme » et la « xénophobie » des pays qui, comme la Hongrie, la République tchèque ou la Slovaquie, rétablissent dare-dare leurs frontières. Le ministre de l’Intérieur allemand, Thomas de Maizière, a été, mardi, jusqu’à suggérer de sanctionner ces récalcitrants par une réduction des fonds versés par l’Union européenne. Cependant, Angela Merkel elle-même a sonné le glas de ces faiseurs de morale, en s’échappant de leur emprise. Si son aveuglement a montré sa faiblesse, il ne peut lui être reproché d’avoir rapidement fait marche arrière devant les réalités.
Les responsables européens qui ont cautionné
« l’anarchie migratoire » (Brice Hortefeux) auraient intérêt à faire profil bas. Une chose est d’accepter les réfugiés politiques ; une autre est de laisser le Vieux Continent à la merci du tout-venant vindicatif. Même le Pape a freiné ses élans, lundi, en évoquant un
« risque d’infiltrations » et en reconnaissant :
« Nous avons une guérilla terroriste extrêmement cruelle à 400 km de la Sicile ». L’espace Schengen est mort. Sa faute aura été d’avoir voulu mettre
« la frontière de la France au Pirée », comme le déplore Pierre Joxe. L’ancien ministre socialiste dit
(La Croix) y avoir vu dès le début
« une folie et un aveuglement collectif », dont il s’était ouvert à François Mitterrand. La libre circulation des Européens risque de faire les frais de l’inconséquence des faux gentils.
Redécouvrir la nation
Le procès de l’Union européenne, immigrationniste et multiculturaliste, est engagé. Sa vision productiviste de l’ouverture à tous est remise en cause, par ses excès mélangistes et sa méconnaissance de la fragilité des peuples. Ceux qui défendent cette Union-là caricaturent un libéralisme sans âme : ils ne voient que de la main-d’œuvre à exploiter et des consommateurs à ponctionner, dans ces peuples qui tentent de gagner l’Europe pour son confort et sa sécurité. Détestable est l’insensibilité de ces dévots de Mammon, prêts à sacrifier la cohésion des nations pour un taux de croissance ou un financement de retraites. Est-il si sorcier de comprendre que des civilisations ne se diluent pas entre elles, a fortiori quand elles se sont opposées ? Le Medef dit vouloir aider à l’intégration des réfugiés, en imitant le bruit du billet de banque ; la Bundesbank allemande s’enchante de leur arrivée dans un pays à la démographie décroissante. Pour ceux-là, l’identité est un problème futile. Futiles, ils le sont…
La conséquence de la prise d’assaut de l’Europe est de placer la question migratoire au centre des priorités. Le thème s’annonce déterminant pour la présidentielle de 2017. Il force déjà le gouvernement au pragmatisme, s’il ne veut pas être balayé avec ses utopies universalistes. Dès mercredi, Manuel Valls a annoncé envisager de rétablir prochainement et temporairement le contrôle aux frontières. Dimanche, le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, incarnation de la rigidité dogmatique, en était à trouver « stupide » une fermeture. En réalité, tout ce que détestent les « progressistes » et leurs imitateurs à droite revient en force, en réaction aux sottises déversées à gros bouillons ces jours derniers. Les partis, s’ils ne veulent pas laisser le FN rafler la mise, vont devoir redécouvrir la nation, sa souveraineté, sa protection territoriale. Gageons que la préférence nationale, vomie par la xénophilie officielle, va aussi redevenir défendable. Finie la comédie.