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Par Maxime Tandonnet
L’Arabie saoudite a prévu de décapiter et de crucifier le jeune chiite Ali al-Nimr. Maxime Tandonnet décrypte l’ambiguïté complice des nations occidentales, partenaires du royaume de la famille Al Saoud.
Cette échéance, dont il est encore permis d’espérer, à l’heure où ces lignes sont écrites, qu’elle ne donnera pas lieu au passage à l’acte, soulève la question de l’ambigüité de l’attitude de la communauté internationale vis-à-vis du Royaume.
La peine de mort y est appliquée avec une intensité parmi les plus élevées du monde à l’exception de l’Iran et peut-être de la Corée du nord: 90 exécutions en 2014, pour une population de 30 millions (35 aux Etats Unis pour une population dix fois supérieure). Leur nombre risque de doubler en 2015 dans la mesure où le chiffre de 90 était déjà atteint fin mai. La décapitation n’épargne pas les femmes. La moitié des personnes qui la subissent sont de nationalité étrangère. Le châtiment prévu d’Ali Al Nimr montre qu’une partie des peines capitales prononcées ne sont pas liées à des crimes de droit commun mais, à l’image d’un Etat totalitaire, à la répression d’activités politiques.
Or, l’Arabie saoudite fait l’objet d’une clémence, voire d’un aveuglement volontaire de la communauté internationale face à cette réalité. Malgré le nombre des peines de mort exécutées, malgré la sentence à la peine capitale prononcées pour des raisons politiques contre un adolescent, l’ambassadeur d’Arabie saoudite auprès des Nations-unies à Genève vient d’être désigné pour présider le conseil des droits de l’homme de l’ONU.
La raison de cette cécité de la communauté internationale tient à une raison simple qui vient aussitôt à l’esprit: l’Arabie saoudite détient un cinquième des réserves de pétrole de la planète. Elle est, avec des variantes suivant les années, le premier producteur du monde (11,5 millions de barils/jour). Elle représente l’élément de stabilité d’une région qui possède la moitié des stocks d’or noir connus.
L’Arabie saoudite détient ainsi entre ses mains une des clés de la croissance mondiale, du commerce international, de la prospérité des grandes puissances industrielles et de l’avenir des pays émergents. Elle bénéficie dès lors d’une sorte d’impunité au regard des actes qui y sont commis. D’ailleurs, les défenseurs des droits de l’homme, intellectuels et associations – qui accusent à grands cris, envers et contre toute évidence, l’Europe de s’être érigée en «forteresse» – se montrent étrangement indifférents sinon muets face aux exécutions commises par le Royaume.
Outre le sentiment d’horreur engendré, la décapitation d’un jeune homme, presque un enfant, si par malheur elle était commise, représenterait un signal alarmant relatif à la stabilité de l’Arabie saoudite. Un acte aussi terrifiant que l’exécution d’un quasi-adolescent, comme par une sorte de fuite en avant dans la cruauté, serait ressenti comme révélateur d’une fragilité des fondements sur lesquels repose le Royaume. Un régime qui a besoin de la peur et d’un tel niveau de violence étatique pour assurer sa préservation, manifeste à l’évidence sa précarité. Et au-delà, nous sentons bien à quel point la croissance mondiale, la prospérité du monde occidental et la paix internationale reposent en ce moment sur un baril de poudre.