L’ONU vient de nommer un ambassadeur saoudien à la tête du Conseil des droits de l’homme. Or la monarchie islamique ignore régulièrement le respect de la liberté religieuse, les droits de la femme, décapite des opposants…
Haoues Seniguer est maître de conférences en science politique à l’Institut d’Études Politiques de Lyon (IEP)
Comment expliquer un tel paradoxe ?
Haoues Seniguer : Il n’y a pour le moins rien d’original – vous le suggérez d’ailleurs très explicitement et à juste titre dans votre question- à dire que cette nomination, qui n’est donc pas vraiment le résultat d’un vote transparent et souverain des parties en présence, trahit une contradiction manifeste : alors que le Conseil est en charge de porter une attention particulière et redoublée au respect et à la promotion des droits humains dans le monde, a été choisie une personnalité représentant une monarchie autoritaire qui bafoue régulièrement toutes formes de droits humains.
Signalons que l’Arabie saoudite décapite au même titre que Daech, mais ce de façon tout à fait judiciarisée ou organisée institutionnellement. En cela, « un tel paradoxe », et c’est sans aucun doute peu dire, est difficilement explicable, sinon en pointant d’autres intérêts qui n’ont rien à voir, tant s’en faut, avec la mission principale du Conseil, à savoir les droits humains et leur respect dans le monde.
Qu’est-ce qui a pu justifier ce choix de la part de l’organisme ? Quel intérêt peut se cacher derrière un telle nomination ?
Les rapports politiques ou les tractations diplomatiques ont très souvent leur raison que la raison de l’observateur cherche tant bien que mal à pénétrer ou à percer…C’est le réalisme des relations internationales. N’oublions pas, quoi qu’on puisse penser de la monarchie saoudienne, que celle-ci est régulièrement adoubée par les puissances de la rive nord de la Méditerranée, à l’instar des Etats-Unis d’Amérique ou de la France. Rappelons également que ces ceux pays, avec la Grande-Bretagne, soutiennent les bombardements saoudiens contre les rebelles Houthis du Yémen !
Dans l’autre sens, qu’à l’Arabie Saoudite à y gagner ?
Pour commencer, je dirai que le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a tout à y perdre en termes de légitimité.