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Interview publiée dans le quotidien Le Télégramme à l’occasion de son déplacement ce vendredi soir à Saint-Brieuc.

Il y a dix ans, vous avez publié « La France peut supporter la vérité ». Aujourd’hui, vous signez un nouveau livre, « Faire ». Qu’est -ce qui a changé depuis la parution de votre premier bouquin ?

Ce qui a changé, c’est la profondeur de la crise économique et morale qui mine notre pays. Et puis, mon expérience de Chef du gouvernement a renforcé ma conviction que le temps n’était plus aux ajustements mais aux réformes radicales. Plus le temps passe plus j’éprouve en moi une révolte devant le déclin français. Je me sens capable de redresser notre pays en mettant en œuvre des réformes puissantes. Ceux qui pensent que les Français ne sont pas prêts à une vraie rupture ont tort. Partout où je vais, les agriculteurs, les médecins, les entrepreneurs, les chômeurs, tous, me disent leur ras-le-bol de l’immobilisme. Ils sont prêts à prendre des risques plutôt que de s’enfoncer dans la médiocrité. A ceux qui me disent qu’il est impossible de gagner une élection en proposant des réformes radicales, je réponds que le courage de faire est moins douloureux que la lâcheté.

Est-ce facile de se présenter à la présidence de la République contre un homme dont vous avez été le premier ministre pendant cinq ans ?

Dans mon livre, je parle sereinement et franchement du tandem que j’ai forgé avec Nicolas Sarkozy. Je n’ai aucun compte à régler. La défaite de 2012 a remis les compteurs à zéro. Je ne me présente pas contre un homme, mais pour proposer aux Français un chemin nouveau pour faire de la France la 1ère puissance européenne. Pour cela, je veux faire de la liberté le moteur de notre redressement national. Le sursaut du pays ne viendra pas d’un remake de 2012, avec les mêmes personnalités, les mêmes idées, les mêmes clivages binaires.

Après cinq ans passés à Matignon, pensez-vous toujours que le poste de premier ministre devrait être supprimé ?

La logique du quinquennat voudrait que nous passions vers un régime présidentiel. Mais je ne veux pas ouvrir ce débat institutionnel. Ma priorité, c’est le redressement économique du pays.

Vous assumez les cinq ans du quinquennat Sarkozy. Avez-vous cependant des remords ou des regrets sur ce qui a été fait (ou pas fait) pendant cette période ?

J’assume le bilan mais je vois aussi ses faiblesses. Il faut en parler car la crédibilité ne va pas sans lucidité. Le marché du travail n’a pas été rénové de fond en comble. L’Etat n’a pas été suffisamment réformé. La lutte contre les déficits n’a pas été frontale. Nous avons une excuse : celle d’avoir été freiné par la pire crise financière depuis un siècle. Dans l’urgence, nous avons dû jouer les pompiers pour protéger les Français, mais ce fut au détriment de la rupture. Sur les 35 heures, sur la lutte contre les déficits, j’étais disposé à prendre des risques et à assumer l’impopularité… Nicolas Sarkozy, non sans arguments, jugeait notre pays trop fébrile pour cela. Ceci étant, sa présidence fut incontestablement plus audacieuse que celle de François Hollande et notre bilan largement meilleur que celui des socialistes.

Le Front national n’en finit pas de progresser. Comment convaincre les Français de se détourner d’un parti dont vous dîtes que son accession au pouvoir serait une « impasse » ?

Plus qu’une impasse, ce serait une déroute économique et sociale pour la France ! Il faut combattre précisément les propositions du FN plutôt que de donner des leçons de morale aux électeurs. Revenir au franc, ramener la retraite à 60 ans, torpiller la PAC, relever tous les salaires, multiplier les droits de douane… Le programme lepéniste, c’est le règne de la démagogie et c’est l’assurance de voir notre souveraineté nationale balayée par la mondialisation ! La meilleure façon de convaincre les électeurs d’où qu’ils viennent, c’est de leur démontrer qu’il y a une façon digne de faire de la politique, avec des valeurs. Et c’est leur proposer un projet très clair, sur l’emploi, sur l’éducation, sur la sécurité, sur l’immigration, qui brise le sentiment d’impuissance.

Avez-vous le sentiment d’être prêt pour la primaire, même si les sondages ne vous donnent pas favori ?

Depuis deux ans, je parcours la France et multiplie les rencontres de terrain. Aujourd’hui, je retrouve mon ami Alain Cadec et Marc Le Fur qui se bat pour sa région. J’aime la Bretagne et je crois que le sérieux de mon message peut y être compris. Les Français voient que je suis expérimenté et très précis dans mon projet. Si les primaires sont, comme je l’espère, un grand rendez-vous populaire et pas une affaire partisane, alors les sondages actuels seront percutés par la vague des électeurs.