Le 25 mars 2015, une coalition internationale menée par l’Arabie saoudite lançait des frappes aériennes contre les Houthis – groupe armé du Yémen – déclenchant un conflit armé de grande ampleur.
UN CONFLIT DE PLUS EN PLUS ÉTENDU
Six mois plus tard, le conflit s’est étendu et les combats ont touché 20 des 22 gouvernorats du Yémen, soit la quasi-totalité du pays. Des atteintes aux droits humains et des crimes de guerre sont perpétrés aux quatre coins du pays, causant des souffrances insupportables à la population civile.
En plus des attaques incessantes des forces de la coalition venues des airs, les différents groupes rivaux s’affrontent au sol. D’un côté se trouvent les Houthis, un groupe armé dont les membres appartiennent à une branche de l’islam chiite connue sous le nom de zaïdisme. Les Houthis sont alliés aux partisans de l’ancien président du Yémen, Ali Abdullah Saleh. Face à eux, les forces anti-houthis, alliées à la coalition menée par l’Arabie saoudite.

Les civils sont piégés entre les deux camps. Des centaines d’entre eux ont été tués ou blessés, et la crise humanitaire ne cesse de s’aggraver.

Ils se battent et nous sommes coincés au milieu, mais nous n’avons nulle part d’autre où aller. »
Un habitant d’Aden
Depuis six mois, une grande partie du monde ignore ce conflit et ne reçoit que peu d’informations sur ses conséquences dévastatrices.
LE LOURD TRIBUT PAYÉ PAR LES CIVILS
Les civils sont les premiers touchés par la violence du conflit au Yémen. Non seulement celui-ci a fait de nombreux morts et blessés parmi eux, mais il a aussi aggravé la crise humanitaire qui était déjà profonde après des années de pauvreté et de mauvaise gestion de l’État, entraînant une grande souffrance de la population. Aujourd’hui, quatre Yéménites sur cinq survivent grâce à l’aide humanitaire. Des services essentiels comme l’accès à l’eau potable et à l’électricité ont été suspendus, et le prix des denrées alimentaires a flambé. La situation est désespérée pour des millions de personnes.
On nous force à vivre comme des rats, dans l’obscurité et la chaleur suffocante… La vie est insupportable. »
Abu Ibrahim, un habitant d’Aden.
Les dégâts infligés à des infrastructures logistiques cruciales telles que des ponts, des aéroports et des ports maritimes entravent par ailleurs fortement l’acheminement d’équipements humanitaires indispensables. L’accès à des soins de santé est également limité en raison de la fermeture de centres médicaux, des agressions fréquentes dont sont victimes les professionnels de la santé et de l’amenuisement des réserves d’électricité, de carburant, de médicaments et d’équipements chirurgicaux.

QUI COMBAT QUI ?
D’un côté le groupe armé houthi – souvent désigné comme les « Comités populaires » – qui est soutenu par certaines unités de l’armée et des groupes armés fidèles à l’ancien président Ali Abdullah Saleh. Dans le camp opposé, la coalition militaire menée par l’Arabie saoudite et soutenue par le président Abd Rabbu Mansour Hadi, qui a lancé des attaques aériennes et mené des opérations au sol au Yémen.
Cette coalition regroupe les Émirats arabes unis, l’Égypte, Bahreïn, le Koweït, le Qatar, le Maroc, la Jordanie et le Soudan. Les États-Unis et le Royaume-Uni ont fourni des renseignements et un soutien logistique clés à la coalition, la Somalie a mis son espace aérien, ses eaux territoriales et ses bases militaires à disposition de celle-ci et le Sénégal a promis d’envoyer des soldats.
Mes filles ont été tuées et j’aurais préféré mourir avec elles. Je n’ai rien d’autre dans ma vie »
Salama, qui a perdu trois filles dans le bombardement d’une école d’Aden où des personnes déplacées avaient trouvé refuge.La coalition est alliée à des groupes armés anti-houthis opérant au sol au Yémen, souvent appelés « Comités de résistance populaire ». Elle est en outre soutenue par des unités des forces armées fidèles au président Abd Rabbu Mansour Hadi et par plusieurs autres groupes.
DES ATTEINTES AUX DROITS HUMAINS DE PART ET D’AUTRES
Nous avons rassemblé des éléments révélant que toutes les parties au conflit ont perpétré des atteintes aux droits humains et ont bafoué le droit international humanitaire.Aux termes du droit international humanitaire, c’est-à-dire les règles du droit international qui s’appliquent pendant un conflit, les attaques doivent viser uniquement des cibles militaires. Les combattants doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour protéger les civils de leurs attaques. Il est interdit d’attaquer directement des civils ou des biens et des infrastructures civils comme des hôpitaux ou des habitations.
J’ai marché entre des flaques de sang et des membres arrachés… Je vois encore les corps et les blessés, et j’entends des cris tout le temps »
Survivant d’un raid aérien mené contre une zone résidentielle à Mokha, en juillet 2015.La coalition menée par l’Arabie saoudite a lancé des frappes aériennes contre des biens de caractère civil, tels que des habitations, des écoles, des marchés et des mosquées, alors qu’aucune cible militaire ni aucun combattant n’avaient été localisés à proximité.
Ces attaques pourraient constituer des crimes de guerre. À Saada, dans le nord du pays, Amnesty International a également trouvé des éléments attestant que les forces de la coalition avaient utilisé des armes à sous-munitions : armes explosives meurtrières interdites au regard du droit international. Les bombes à sous-munitions libèrent des dizaines de « petites bombes » qui, souvent, n’explosent pas immédiatement et peuvent causer de terribles blessures longtemps après l’attaque initiale.
À Taizz et Aden, des combattants des deux camps, pro comme anti-houthis, ont mené des attaques sans discrimination, utilisant des armes imprécises telles que des obus d’artillerie et de mortier ou des roquettes Grad, dans des zones civiles densément peuplées. Par ailleurs, les deux camps n’ont pas fait de distinction entre combattants et civils, mettant ainsi en danger la vie de personnes qui n’étaient pas impliquées dans les combats. Ils ont également mené des opérations au milieu de quartiers résidentiels, lançant par exemple des attaques depuis des habitations, des écoles et des hôpitaux ou à proximité de ces bâtiments. Toutes ces attaques vont à l’encontre du droit international humanitaire et peuvent constituer des crimes de guerre.

AMNESTY INTERNATIONAL DEMANDE
à toutes les parties au conflit de respecter le droit international humanitaire en prenant toutes les précautions pour réduire au maximum les dommages causés aux civils, en cessant les attaques illégales et en donnant aux organisations humanitaires un accès total et sans restriction aux populations civiles ;
aux pays qui fournissent des armes à une ou plusieurs des parties au conflit de mettre un terme aux transferts d’armes s’il y a un risque que celles-ci soient utilisées pour commettre des atteintes aux droits humains ou des crimes de guerre ;
aux Nations unies de mettre sur pied une commission d’enquête internationale chargée de faire la lumière sur les éventuels crimes de guerre et atteintes aux droits humains perpétrés pendant le conflit, et de veiller à ce que toutes les personnes soupçonnées de tels actes soient jugées dans le cadre de procès équitables ;
à la communauté internationale et aux gouvernements – en particulier à ceux des États-Unis et du Royaume-Uni – de condamner publiquement les violences et les crimes de guerre qui sont commis au Yémen et de soutenir la création d’une commission internationale pour enquêter sur ces crimes.