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Yves Petignat

 

A Zurich, été 2015. (Ennio Leanza/Keystone)
A Zurich, été 2015. (Ennio Leanza/Keystone)

La Suisse multiculturelle n’est pas un mythe: les jeunes sont tolérants, ouverts et parlent de préférence anglais. L’allemand ou le français passent difficilement la Sarine, faute de motivation

Un tiers des jeunes Suisses ont un ou deux parents étrangers, 22% des jeunes Romands possèdent même la double nationalité. Plus d’un quart a autant d’amis étrangers que suisses. Et parmi eux, on parle jusqu’à 126 langues au total. A l’inverse, la connaissance d’une deuxième langue nationale est décevante et bien inférieure aux investissements en moyens scolaires et en heures.

La Suisse est bel et bien un modèle de diversité culturelle, plus ouverte et tolérante envers les étrangers que ne le laisse croire certaines réactions épidermiques et politiques.

C’est ce que révèle une vaste enquête «Suisse – Société multiculturelle» basée sur les réponses de quelque 41 000 jeunes hommes de nationalité suisse et un échantillon de 1500 jeunes femmes. L’étude, menée sous l’égide des enquêtes fédérales auprès de la jeunesse, successeurs des anciens examens pédagogiques des recrues, a été réalisée en 2008 et 2009 dans les six centres de recrutement par une équipe de l’Université de Genève dirigée par le professeur François Grin et le sociologue Jacques Amos.

Pas de grandes surprises pour les taux d’acceptation des étrangers: plus les jeunes interrogés habitent dans des grandes villes, plus leur tolérance est grande, plus ils se classent à gauche, plus ils sont ouverts. Ainsi, la différence est de 40% entre les taux d’acceptation à gauche et à droite.

En revanche, tout en jugeant favorablement la présence d’étrangers, les mêmes jeunes attendent en général une claire volonté d’intégration de la part des communautés, notamment sur des questions fondamentales comme l’égalité homme-femme, le respect des valeurs telles la liberté d’expression, etc.

Ouverture enfin pour l’accommodement aux cultures étrangères, comme la reconnaissance du droit à pratiquer sa religion ou de conserver des traditions et habitudes culturelles du pays d’origine.

Sur le plan interne, l’étude confirme ce que l’on constate depuis longtemps: qu’il s’agisse de l’enseignement de l’allemand chez les Romands ou du français en Suisse alémanique, les résultats sont relativement faibles par rapport aux moyens investis.

Les niveaux atteints en langues nationales restent dans la moitié des cas inférieurs aux objectifs du système d’enseignement. Le niveau moyen de compétence en Suisse alémanique est ainsi de 32 points, et de 35 en Suisse romande. Les résultats au gymnase sont bas: 41% des Alémaniques et 25% des Romands atteindraient le niveau B2, permettant une conversation libre. 23% seulement des jeunes Romands trouvent intéressant d’apprendre l’allemand.

Faute surtout de motivation et de perception, chez les élèves, du sens de l’enseignement de la deuxième langue nationale. Une des raisons aussi, avance le sociologue Jacques Amos, est qu’à l’école on sanctionne les fautes, mais on ne récompense pas les capacités de communication. Dès lors, la grande source d’apprentissage, en Suisse romande, reste l’immersion. Que ce soit lors de séjours linguistiques, en classes bilingues, ou lors de loisirs, quand on n’a pas un parent de langue maternelle différente. On relèvera aussi qu’en Suisse italienne, en raison d’une très forte motivation, les résultats sont nettement supérieurs.

http://www.letemps.ch