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Aucun budget à l'équilibre, coût de la dette, des taux bas, la dette «sociale», La dette publique
Par Marine Rabreau , Service infographie du Figaro
En France, la dette publique atteint des sommets historiques chaque année depuis plus de 40 ans. Pourquoi ça ne s’arrête plus? Doit-on s’inquiéter? Réponses en graphiques.
Un nouveau record: la dette publique de la France a continué à progresser au deuxième trimestre, pour s’établir à 2105,4 milliards d’euros au 30 juin, soit l’équivalent de 97,6% du produit intérieur brut (PIB). Par rapport à la fin du premier trimestre, la dette a augmenté de 16 milliards d’euros, ou 0,2 point de PIB, selon l’Insee.
C’est encore et toujours un peu plus que les périodes précédentes. Forcément: la dette publique correspond à la somme des soldes des comptes publics enregistrés chaque année par un État. Or la France n’a pas affiché une seule année budgétaire positive depuis… 1975! Voilà donc 40 années consécutives que la dette publique française file de record en record. Réponses en graphiques historiques.
• La dette publique de la France vers des sommets
L’année 2014 a signé un record hautement symbolique pour la France: la dette publique de notre pays a dépassé la barre des 2000 milliards d’euros. Elle a doublé en l’espace de 12 ans et quadruplé en seulement 22 ans. Depuis 1978, elle a été multipliée par 27!
Ainsi la dette publique française équivaut presque à une année de richesse créée dans l’Hexagone: le taux de dette sur le PIB atteindra 96,3% à la fin de l’année selon les dernières estimations du gouvernement. Du jamais-vu. Jusqu’au milieu des années 1980, ce taux ne dépassait pas les 30%. Notons que depuis 2014, la tendance est à la stabilisation du taux de la dette publique sur le PIB.
Si la question de la bonne gestion de la dette publique se pose au regard de ces chiffres astronomiques, il n’est pas pertinent de comparer la dette d’un État à celle d’un ménage. L’État a en charge l’avenir collectif, il transfère des recettes de court terme vers des dépenses de long terme, des jeunes vers des moins jeunes, de certains contribuables vers d’autres contribuables. Par ailleurs, il a une durée de vie infinie, et répond à une logique de marchés financiers. Il ne peut obéir à la seule logique du «bon père de famille» qui ne dépense pas plus que ce qu’il gagne.
• Aucun budget à l’équilibre depuis 1975
La dette continue de s’accroître parce que la France est en déficit chronique (ses dépenses sont chaque année, depuis 1974, plus élevées que ses recettes).
Dans le graphique ci-dessous, nous analysons la dette publique française par sous secteur: l’État, les collectivités locales, et la Sécurité sociale.
La dette émise par l’État est prépondérante, ce qui est logique puisque c’est lui qui investit le plus, dans l’éducation, la santé, etc. En revanche, la progression de la «dette sociale», celle qui finance la protection sociale des Français (santé, retraite, famille et chômage), est frappante. Or normalement, un État ne doit pas s’endetter pour ses frais courants: le «pacte budgétaire» ou la «règle d’or» stipule que l’endettement public doit être limité à l’investissement.• Le coût de la dette n’a jamais été aussi faible
Là aussi, la situation est parfaitement inédite: jamais la France ne s’est financée aussi bon marché. Les taux obligataires à 10 ans (l’OAT) auxquels la France emprunte ont chuté vers 1% depuis 2014, quand ils valaient près de 10% en 1987. Dans ce graphique, nous avons calculé le taux apparent de la dette (le montant des intérêts payés par rapport à la dette totale). Prolongeant un mouvement entamé il y a une vingtaine d’années, le taux apparent de la dette a fortement reculé au cours de la période 2003-2013, revenant de 4,4 % à 2,5 %, ce qui explique sans doute pourquoi les gouvernements respectifs ont retardé leurs efforts budgétaires: dans le même temps, la dette publique augmentait de 30 points de PIB! «Si la France avait eu par exemple en 2013 le même taux apparent sur sa dette qu’il y a dix ans, elle aurait dû verser des intérêts supérieurs de près de 80 % à ceux effectivement acquittés», estime Olivier Chemla, économiste en chef à l’Afep.
Ainsi, le service de la dette, c’est-à-dire les intérêts payés tous les ans par l’État pour rembourser sa dette, continue de reculer depuis 2012. En 2014, la France a tout de même remboursé 46,1 milliards d’euros en seuls intérêts sur sa dette.Pour autant, cette charge de la dette n’est plus le premier poste de dépenses publiques en France depuis 2015 (l’enseignement scolaire est repassé devant).
• La dette n’est pas qu’un problème français
Une étude de deux économistes d’Harvard a longtemps laissé penser qu’une dette publique au delà-de 90% du PIB présentait le danger que les marchés financiers ne fassent plus confiance au pays concerné, et qu’il sombre dans la spirale infernale de la hausse des taux d’intérêt jusqu’au défaut de paiement. Mais en 2013, les deux économistes ont reconnu s’être trompé dans leur modèle.
En Europe, plusieurs pays dépassent la France en termes de taux de dette publique sur le PIB. Force est de constater que tous ces pays ont eu recours, depuis l’éclatement de la crise de la dette européenne en 2010, à l’aide internationale. Notons toutefois que le Japon, lui affiche un taux de dette publique de plus de 230% sans être inquiété par les marchés financiers.
En fait, trois facteurs sont déterminants pour jauger la soutenabilité d’une dette: les taux d’intérêts, la croissance, et l’inflation. Plus les taux sont bas, moins ils pèsent sur les finances publiques; plus le PIB augmente, plus le poids de la dette dans le PIB diminue; idem pour l’inflation. Si le taux sont partis pour rester faibles dans les pays développés – avec les Banques centrales américaine, européenne et japonaise qui maintiennent leurs taux bas depuis la crise de 2008 et rachètent une partie des dettes des États – la croissance et l’inflation restent au tapis, surtout dans la zone euro et Japon.
• Pour l’instant, la France «sauvée» par des taux bas
Ainsi la France se retrouve-t-elle coincée: la croissance et l’inflation, toutes les deux faibles, ne contribuent pas à améliorer la gestion des finances publiques. Pour le moment, la France est «sauvée» par des taux bas, dont elle n’a pas la maîtrise. Le gouvernement prévoit la dette publique atteigne 96,3% du PIB en 2015 et 96,5% du PIB en 2016, signes que la dette se stabiliserait enfin. Pour ses prévisions de 2016, l’État vise une croissance de 1,5%, un déficit public de 3,3% et une inflation de 1%. Outre le caractère un peu optimiste de ces hypothèses, de tels objectifs pourraient voler en éclats si les taux longs sur les marchés financiers remontaient. Ils devraient remonter mais nul ne saurait présager quand. L’Agence France Trésor chiffre l’impact budgétaire d’une hausse de 1% sur l’ensemble des taux relatifs à la dette de l’État à 2,2 milliards d’euros la première année, puis 5 milliards la deuxième et 10 milliards au bout de 5 ans.