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Gala : Vous racontez dans votre livre, « Faire » (Albin Michel), qu’à 14 ans, vous aviez la photo du général de Gaulle dans votre chambre. Vous n’avez donc jamais été jeune ?

François Fillon : Je vous rassure, à côté de celle du général, il y avait les Rolling stones ! J’étais en fait un élève assez dissipé au collège notamment, je m’ennuyais en classe et j’avais l’esprit de bravade. Il m’est arrivé de lancer une ampoule lacrimogène pendant une heure d’étude surveillée. Mes camarades étaient internes et comme nous vivions à 3 kilomètres, j’étais le seul à rentrer chez moi le soir. Je les ravitaillais en boissons et biscuits.

Gala : Malgré votre admiration pour le général De Gaulle vous avez voulu participer à votre manière à mai 68…

F. F. : Cela n’avait rien de politique. Simplement, nous étions à la campagne et les bruits de la ville nous parvenaient de manière très diffuse. Nous avons donc fait le mur un soir, avec toute ma classe pour aller voir ce qui se passait de plus près. Mais, comme je suis ensuite rentré chez moi pour dormir, les gendarmes ont pu retracer mon itinéraire et retrouver mes camarades cachés dans une grange. L’aventure a tourné court.

Gala : Vous avez reçu une éducation très stricte. Votre père notaire était « plus sensible à l’ordre qu’à l’injustice », dites-vous.

F.F. : Comme j’étais assez insolent, nous avions des discussions animées à table. Ma mère qui était professeure d’Anglais au Mans a un temps mis sa carrière entre parenthèses pour aider mon père à son étude et élever ses quatre fils. Elle comprenait mon côté « rebelle » et prenait généralement mon parti contre mon père. Elle a toujours couvert mes frasques.

Gala : Vous étiez aussi très proche de votre grand-père paternel.

F.F. : J’aimais me retrouver chez lui au Mans chaque week-end. Il est à l’origine de ma passion pour la photographie et de celles pour les nouvelles technologies et pour l’automobile. J’ai tout de suite aimé ce sport où l’on est contraint de se dépasser et de ne compter que sur soi.

Gala : Avez-vous retrouvé ce genre de sensations dans votre vie politique ?

F.F. : L’adrénaline est sans cesse présente. Etre dépendant du choix des citoyens en remettant son mandat en jeu à chaque élection est à la fois responsabilisant et galvanisant. Il n’y a jamais de routine ou de longs moments de confort. Vous vivez au rythme de la France. Elle vous inspire et vous aspire. On est dans une situation de tension permanente. Mais on se rend compte au final qu’on ne peut pas s’en passer.

Gala : Après Matignon vous avez pourtant pensé un temps partir dans le privé. Pourquoi ne pas l’avoir fait ?

F.F. : Lorsque vous êtes premier ministre, il est impossible de vous isoler. Vous vous mettez à fantasmer sur ce que serait une vie totalement libre. Je rêvais de partir un mois au Japon pour faire de la photographie et de tout recommencer ailleurs, autrement, dans le privé. Je l’aurais fait si Nicolas Sarkozy avait été réélu. Mais sa défaite a changé la donne. J’avais encore l’envie de me battre pour mon pays et le sentiment de savoir ce qu’il faut faire pour le relever. J’ai donc décidé de me préparer pour être candidat à l’élection présidentielle de 2017. Mon escapade au Japon n’aura finalement duré que 48 heures, pour y être décoré par l’empereur de l’ordre du soleil levant…

Gala : Quel a été le déclic de cette ambition présidentielle ?

F.F. : A Matignon j’étais lié par les institutions et je sentais que nous n’allions pas assez loin et fort pour changer vraiment le pays. Plus le temps passait plus j’éprouvais en moi une sorte révolte devant le déclassement français alors que notre pays a toutes les qualités pour se reprendre et surprendre le monde. Aujourd’hui, je pense détenir le projet dont la France a besoin. Si je dois le résumer en un mot, je choisis : liberté

Gala : Pour vous Nicolas Sarkozy a une image aux antipodes de ce qu’il est vraiment.

F.F. : Il passe en effet pour quelqu’un de brutal alors qu’il s’interroge beaucoup, hésite, pèse le pour et le contre. Beaucoup ont cru qu’il serait prêt à tout bousculer alors qu’il a surtout veillé à ne pas déstabiliser la société française.

Gala :« Je préfère passer pour terne qu’être un illusionniste », assumez-vous, pour votre part.

F.F. : J’avoue être excédé par le débat politique français autour de l’élection présidentielle qui se joue comme un super casting. J’ai toujours essayé de me tenir à l’écart de la plupart des artifices qui font bien souvent la popularité des politiques. Je pense que c’est au moment des choix décisifs pour leur pays que les personnalités apparaissent dans leur vérité. Angela Merkel n’est pas une star mais elle dirige efficacement son pays. Pourquoi en serait-il différemment en France ?

Gala : Les temps changent… Les Français ont élu un président « normal ».

F.F. : C’est une normalité qui fonctionne mal et qui obtient peu de résultats, mais qui illustre la réaction des électeurs face la starification de la vie politique. Pour les citoyens, le Président doit être à la fois sobre, digne et efficace.

Gala : Est-ce pour pouvoir tenir la promesse que vous aviez faite à votre épouse de vous arrêter à l’âge légal de la retraite que vous souhaitez repousser cet âge ?

F.F. : Je ne me souviens pas de cette promesse et je n’ai pas encore 65 ans ! Mais je me suis évidemment assuré du soutien de mon épouse avant de me lancer sur le chemin de la présidentielle. Elle porte sur la vie politique un regard indépendant et plutôt critique. Penelope s’installe généralement au dernier rang lors des meetings, par goût de la discrétion, mais aussi pour me raconter ce qu’il s’y passe vraiment. Son humour gallois, décalé m’aide à prendre de la distance. Il y a trente ans, elle m’a croisé un jour sur le marché de Sablé où je faisais campagne et m’a dit combien j’avais l’air ridicule dans cet exercice artificiel. Je n’ai jamais plus mis les pieds sur ce marché avec des tracts à la main et cela ne m’a pas empêché d’être élu !

Gala : Vous n’avez pas transmis votre goût de la politique à vos cinq enfants âgés de 33 à 14 ans. Ont-ils été vaccinés ?

F.F. : Ils ont vu leur père absent tous les samedis et dimanches, ils ont assisté au défilé de leurs copains sous leur fenêtre pour le retrait de la réforme Fillon lorsque j’étais ministre de l’éducation. Ils ont été calomniés et le sont encore parfois aujourd’hui sans pouvoir répondre. Ils n’ont pas eu le bon côté de la vie politique. Donc non cela ne les tente pas et je ne les ai pas encouragés en ce sens car je ne suis pas favorable aux dynasties !