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Ali Mohammed al-Nimr, Arabie Saoudite, Conseil des droits de l’homme (CDH), Guerre au Yémen, indignation mondiale, ONG pro-israélienne UN Watch, Peine de mort
Frappe aérienne de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite sur Sanaa, la capitale du Yémen. © Hani Mohammed (AFP) / Hani Mohammed
Peine de mort, guerre au Yémen… La diplomatie saoudienne est sur tous les fronts
Mardi soir, le tout Genève et la communauté diplomatique se pressaient à la réception donnée par l’Arabie saoudite à l’occasion de sa fête nationale. Devant le consulat, en retrait du lac Léman, la police genevoise canalisait le flot des berlines. Une tente bédouine avait été installée dans le hall d’entrée, où les invités ont fait la queue pour saluer leurs hôtes.
Faisal Bin Hassan Trad, l’ambassadeur saoudien auprès des Nations unies, a reçu en habit traditionnel, longue chemise blanche et keffieh sur la tête. La semaine dernière, le diplomate a gagné une notoriété soudaine, dont il se serait bien passé.
Depuis juin, il présidait un groupe consultatif chargé de présélectionner les enquêteurs de l’ONU sur les violations des droits de l’homme. Alors que l’ONG pro-israélienne UN Watch révélait ce mandat au grand jour, l’exécution imminente d’un jeune chiite, Ali Mohammed al-Nimr, qui avait participé à une manifestation, suscitait l’indignation mondiale. L’ONU estime que 134 condamnés ont déjà été exécutés cette année, un record.
La revanche d’un diplomate
L’Arabie saoudite voyait-elle dans ce poste un tremplin vers la présidence du Conseil des droits de l’homme (CDH)? L’ambassadeur Faisal Bin Hassan Trad n’a pas retourné nos appels. Toujours est-il que ses ambitions ont fait long feu et qu’il a dû retirer sa candidature. Fin 2013, la monarchie avait été élue par l’Assemblée générale de l’ONU, faisant ainsi son retour parmi les 47 Etats membres du CDH. Mais beaucoup de pays n’étaient pas prêts à franchir le pas d’une présidence saoudienne.
Loin de baisser les bras, les diplomates du royaume redoublent d’activisme. Au CDH, rares sont ceux qui s’aventurent à critiquer ouvertement les visées saoudiennes. « Auparavant, l’ambassadeur saoudien était un vieux monsieur, qu’on ne voyait qu’une fois par an pour la fête nationale”, se souvient un observateur averti des coulisses de la Genève internationale.
Le début de l’activisme saoudien a coïncidé avec l’arrivée de Faisal Bin Hassan Trad à Genève et le rapprochement des Etats-Unis avec l’Iran, le grand rival de la dynastie des Saoud. Ces jours, la monarchie sunnite tire les ficelles pour modérer les critiques contre Bahreïn, son petit voisin où elle était intervenue militairement en 2011 pour l’aider à écraser la contestation chiite. Avec l’Egypte et la Chine, l’Arabie saoudite ferraille pour atténuer une résolution contre la peine de mort portée entre autres par la Suisse. Riyad veut ajouter au texte “le droit de chaque Etat de déterminer lui-même son système légal et les peines adéquates”.
L’ambassadeur Trad est surtout mobilisé sur le Yémen, alors que les frappes de la coalition arabe menée par Riyad contre les rebelles houthistes font de plus en plus de victimes civiles. “L’Arabie saoudite tente d’empêcher toute enquête internationale et indépendante sur les combats”, pointe Philippe Dam, de l’ONG Human Rights Watch. Les Pays-Bas sont bien seuls à se démener pour trouver une majorité imposant un tel mécanisme. Les Saoudiens, eux, ont rédigé leur propre résolution. Ils insistent uniquement sur les crimes commis par les Houthistes. “Je n’ai pas le souvenir d’un pays présentant une résolution sur un pays qu’il bombarde”, soupire Philippe Dam.
L’Arabie et ses alliés du Golfe
Dans ses combats, l’Arabie saoudite est loin d’être seule. Elle peut compter sur ses alliés du Golfe ou d’autres pays arabes sunnites pour monter au front. Dimanche, la Jordanie a ainsi durement critiqué le Haut-commissariat des droits de l’homme pour son approche « biaisée » du conflit au Yémen. Une attaque directe contre le Haut-commissaire, le Jordanien Zeid Ra’ad al-Hussein, qui, avant d’entrer en fonction, défendait les intérêts de son pays auprès de l’ONU à New York.
Le Haut-commissaire a mis les choses au point mardi: deux tiers des 2355 civils tués depuis le mois de mars l’ont été par les frappes aériennes de la coalition. Un chiffre qui n’inclut pas les quelque 130 victimes d’un bombardement sur un mariage lundi, dont l’Arabie saoudite rejette la responsabilité sur les rebelles. “La coalition est indubitablement responsable du blocus naval contre le Yémen, qui, selon les agences de l’ONU, exacerbe la situation humanitaire catastrophique affectant presque tout le pays”, a accusé Zeid Ra’ad al-Hussein.
Sur le dossier humanitaire justement, l’Arabie saoudite est tout aussi active et immensément riche. La nouvelle fondation humanitaire du roi Salman a ainsi promis 274 millions de dollars rien que pour le Yémen, en faisant du royaume le plus gros donateur pour cette crise. L’argent sera versé à différentes agences de l’ONU. L’an dernier, la monarchie saoudienne était le sixième donateur le plus généreux au monde.