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Arabie séoudite, fermeture de passage, Iran, traces de produits toxiques, tragédie de La Mecque, un complot
Mais les questions restent multiples. Pourquoi les autorités saoudiennes ne voulaient-elles pas rapatrier les corps ? L’autopsie aurait-elle pu révéler des données sur les circonstances du drame que les responsables saoudiens souhaitaient garder secrètes ? Les théories les plus farfelues circulent à ce sujet, certaines allant même jusqu’à évoquer la possibilité de trouver sur les corps des victimes des traces de produits toxiques, alors que d’autres affirment que le diplomate Ghadanfar Rokon Abadi aurait été victime d’un complot, lui qui avait survécu à l’attentat contre l’ambassade d’Iran à Beyrouth en novembre 2013…
Le flou qui entoure l’enquête officielle alimente parallèlement les rumeurs et les interprétations. Selon des sources iraniennes, la région dans laquelle s’est produite la tragédie est étroite et montagneuse. Quatre voies de passage ont été aménagées dans cette vallée, deux pour ceux qui vont vers la Kaaba et deux autres pour ceux qui en retournent. Ce qui devrait faciliter les déplacements des pèlerins et éviter les bousculades mortelles. Mais sans fournir d’explication ni de justification, les autorités saoudiennes ont brusquement ordonné la fermeture de trois des voies de passage ne laissant qu’une seule ouverte pour les allers et les retours. Deux millions de personnes se sont donc retrouvées coincées dans ce couloir, mêlant les arrivants et les partants dans une incroyable cohue qui aurait provoqué la tragédie.
Les sources iraniennes précisent toutefois que toute la zone est truffée de caméras qui ont dû filmer la bousculade dans ses moindres détails. Or les autorités saoudiennes ont refusé de permettre aux Iraniens de consulter ces films ou même de révéler ce qu’ils contiennent. Ce qui aurait pourtant facilité l’enquête et permis de comprendre les raisons de cette tragédie. Les sources iraniennes précitées rappellent aussi que chaque année à Kerbala, pour la commémoration de Achoura, 20 millions de personnes font le pèlerinage sur place et qu’il n’y a jamais de tragédies comme celle de La Mecque. En tout cas, selon ces mêmes sources, le manque d’informations suscite des doutes sur les raisons de la tragédie. D’autant que de tous les pays qui ont envoyé des pèlerins cette année, l’Iran est celui qui a le nombre le plus élevé de victimes. C’est comme si la soudaine décision de fermer les trois voies de passage n’a été prise qu’au moment où la délégation iranienne passait, puisque les pèlerins sont regroupés par nationalités. Les mêmes sources ajoutent que si les autres pays ayant eu des victimes dans cette tragique bousculade ne veulent pas réagir, c’est leur problème, mais l’Iran ne cessera pas de réclamer une enquête transparente qui permettrait de dévoiler les dessous de cette catastrophe.
Dans ce contexte, le message de félicitations adressé par le roi Salmane au prince héritier Nayef ben Salmane « pour le succès de cette saison du hajj » a encore augmenté la colère des Iraniens. Certains analystes en minimisent toutefois la portée, préférant l’inscrire dans le cadre de la lutte interne qui oppose les deux principaux hommes forts du royaume, le prince héritier Mohammad ben Nayef, qui est aussi le ministre de l’Intérieur et qui est donc responsable du pèlerinage, et son propre héritier, le prince Mohammad ben Salmane, qui est également ministre de la Défense et chef du cabinet du roi. En adressant un message de félicitations à son prince héritier, le roi aurait donc simplement voulu faire taire les rumeurs sur une volonté d’utiliser la tragédie du hajj pour mettre en cause le ministre de l’Intérieur…
Que ces interprétations reposent sur un fond de vérité ou non, que la tragédie soit un accident terrible ou non, elle n’améliore pas les relations entre Téhéran et Riyad qui sont pourtant cruciales pour les dossiers de la région, du Yémen, à l’Irak, en passant par la Syrie… et le Liban.