Étiquettes
Tribune de Jean-Pierre Chevènement parue dans l’Obs du 8 octobre 2015.
Ce serait s’installer dans une guerre interminable entre sunnites et chiites, et plus précisément entre l’Iran et l’Arabie saoudite, dont Daech et le terrorisme djihadiste seraient en définitive les seuls grands bénéficiaires. La France n’a rien à gagner à cette fragmentation. Elle doit s’efforcer de restaurer ou maintenir l’intégrité territoriale des Etats concernés (y compris la Turquie) en rendant ces Etats viables pour leurs populations : un Irak fédéral faisant place aux sunnites de l’Ouest, une Syrie dont le régime à la fin devrait s’ouvrir et se démocratiser, une Turquie, enfin, qui devrait résoudre son problème kurde à l’intérieur de ses frontières.
On ne combat pas efficacement le terrorisme par des moyens militaires seulement, mais à partir de vues politiques justes. Oublie-t-on que c’est l’emploi de moyens militaires en Irak en 1991 et 2003, en dehors de toute vision politique d’ensemble, qui a ouvert la voie à Al- Qaida d’abord puis à Daech ? Derrière le terrorisme djihadiste, il y a un immense ressentiment historique qu’on ne peut combattre qu’en ouvrant aux peuples du monde arabo-musulman un avenir de progrès. Faute de cette vision politique, nous irons vers le chaos.
La France doit hiérarchiser ses priorités, agir comme médiatrice et facilitatrice, de façon à rendre possible l’éradication de Daech, à la fois en Syrie et en Irak. Raccourcir la guerre en prenant les moyens de la gagner n’est pas une préconisation dictée par le seul réalisme : c’est l’exigence d’un humanisme véritable.
Jaurès disait que pour « aller à l’idéal », il fallait d’abord « comprendre le réel », et Charles de Gaulle rappelait qu’« il n’y a pas de bonne politique en dehors des réalités ». Ces deux maximes pourraient utilement guider notre politique.