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Renaud Honoré et Gabriel Gresillon 
  • Les Européens plaident Turquie continue accueillir grande partie migrants syriens, donnant meilleures perspectives d'intégration place.

    Les Européens plaident pour que la Turquie continue à accueillir chez elle une grande partie des migrants syriens, en leur donnant de meilleures perspectives d’intégration sur place. – Photo Yasin Akgulm/AFP

Les leaders européens se réunissent, ce jeudi, à Bruxelles, sur la question des migrants. Ils doivent se mettre d’accord sur l’ampleur des concessions à accorder à Ankara en échange de son aide.

Ce n’est pas encore une danse du ventre, mais ça y ressemble. Les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne, réunis ce jeudi à Bruxelles, vont consacrer une grande partie de leur sommet à déterminer jusqu’à quel point ils sont prêts à faire des concessions à la Turquie pour obtenir sa coopération sur le dossier des réfugiés. Car le constat est désormais unanimement partagé : « Ankara est un partenaire clef, si ce n’est le principal acteur, de ce dossier », répètent en chœur les diplomates.

Un prix élévé à payer

De nombreux Syriens transitent par le pays, et une partie des 2 millions qui s’y étaient installés depuis deux ans ont repris la route depuis cet été pour nourrir les flux migratoires vers l’Europe , et l’Allemagne en particulier. «  Le problème, c’est que Recep Tayyip Erdogan, le président turc, sait parfaitement que nous avons besoin de lui et nous allons donc devoir payer un prix élevé pour le mettre à nos côtés », souligne un proche d’Angela Merkel. Il y a dix jours, la Commission européenne avait déjà dévoilé ce que pourrait être un accord de coopération entre les deux parties. Les Européens plaident ainsi pour que la Turquie continue à accueillir chez elle une grande partie des migrants syriens, en leur donnant de meilleures perspectives d’intégration sur place. « C’est une chose que les Turcs ont du mal à accepter », souligne un diplomate. Pour faire passer la pilule, une aide de 1 milliard d’euros – en réalité une réallocation de fonds déjà prévus – avait été proposée dès le mois de septembre.

Sujet très sensible

Mais ce montant, même augmenté, est insuffisant aux yeux d’Ankara, qui a formulé toute une série de demandes : libéralisation des visas pour ses ressortissants voulant aller en Europe, des sommets réguliers avec les Européens, ou encore – sujet très sensible – de nouvelles avancées dans les discussions d’adhésion à l’UE. « Sur les visas, on est prêt à accélérer, mais seulement si Ankara s’engage à réadmettre des migrants venant de Turquie, dont la présence aurait été refusée en Europe », décrypte un diplomate. Une délégation de la Commission européenne, avec à sa tête le vice-président Frans Timmermans, est partie ce mercredi à Ankara pour voir où des progrès étaient possibles. Celle-ci devrait répéter la volonté de Bruxelles d’avoir un contrôle gréco-turc de la frontière commune. « La Grèce est contre, je lui demande de revoir sa position », a souligné ce mercredi Jean-Claude Juncker, le président de la Commission.

Désaccord sur les « zones de sécurité » en Syrie

Sur un point, en revanche, les discussions semblent quasiment enterrées. Le concept de « zone de sécurité », qui figurait récemment en haut de la liste des demandes turques, est mis de côté. Il s’agissait d’établir, sur le territoire syrien, des zones protégées militairement – avec le concours des Européens – afin d’y mettre des Syriens à l’abri. Le projet n’a jamais séduit les Etats membres, compte tenu de sa complexité et de ses implications militaires. Donald Tusk, le président du Conseil européen, avait malgré tout ouvert la porte à cette possibilité il y a dix jours. Depuis, l’intervention russe en Syrie a changé la donne en profondeur.« Les Turcs eux-mêmes ont mis cette demande en sourdine », note un diplomate qui y voit une preuve de réalisme, puisque « des dizaines d’avions russes patrouillent la zone ».

S’ils se sont résolus à l’idée de faire fi de considérations morales et d’établir un partenariat très pragmatique avec Ankara, les Européens doivent, malgré tout, trancher un épineux problème. Alors que des élections législatives se tiendront, le 1er novembre, en Turquie, est-il pertinent de choisir un tel moment pour offrir au régime le trophée de concessions importantes arrachées à l’Europe ? Difficile d’arbitrer entre l’urgence de la crise des réfugiés et le risque d’influer sur le processus politique d’un pays qui révèle actuellement ses fragilités.

http://www.lesechos.fr/