Étiquettes
Interview parue ce matin dans l’Union à l’occasion de mon déplacement à Reims.
Alain Juppé dénonce les «chantres du déclinisme», y compris dans son propre camp. Vous êtes-vous senti visé ?
Pas du tout. Le déclinisme consiste à penser que le décrochage de la France est inéluctable. Je propose au contraire un projet pour la redresser ! Nier les difficultés du pays, nier que le chômage augmente, que la dette nous coule, nier que la France perd du terrain, ce n’est ni honnête ni utile. Si on veut mettre en oeuvre une politique de redressement national, il faut d’abord faire un constat réaliste. Alain Juppé pense que le changement peut se faire dans la continuité. Je pense au contraire que notre pays a besoin d’un changement radical qu’on peut résumer en un mot : la liberté. Depuis trente ans, la France a choisi la voie de la surprotection de ses citoyens contre tous les risques. Nous sommes allés tellement loin dans ce sens que la créativité, l’intelligence, la capacité d’innover des Français ont fini par être totalement bridées.
La France a 2000 milliards de dettes. Tous les gouvernements n’en sont-ils pas responsables, y compris celui que vous avez dirigé pendant cinq ans ?
Lorsque j’étais à Matignon, nous avons affronté une crise majeure qui s’est traduite dans tous les pays d’Europe par une envolée de la dette. La France a encaissé comme les autres. La différence avec les Anglais ou les Allemands, c’est qu’une fois la crise passée, ces pays se sont engagés dans une stratégie drastique de réduction des dépenses et du déficit. A partir de 2012, la gauche a adopté une politique rigoureusement inverse. On voit où cela nous a mené. Ces élections régionales sont l’occasion de réagir. Ici, Philippe Richert a la rigueur et l’expérience pour servir cette grande région.
Pourquoi ne pas avoir mené entre 2007 et 2012 les réformes que vous préconisez aujourd’hui ?
Je peux avoir le regret de n’être pas allé assez loin sur la réforme des 35 heures ou la baisse des charges sociales, mais dans le feu de la bataille contre la crise financière, il nous a semblé qu’il était impossible de le faire. Je propose aujourd’hui un projet beaucoup plus percutant que celui de 2007. Ma bataille consiste à présenter aux Français le programme le plus efficace sans leur dissimuler la vérité, sans masquer la nécessité de l’effort.
Les Français y sont-ils prêts ?
Je viens de passer deux ans à rencontrer des salariés, des artisans, des chefs d’entreprises, des agriculteurs, des commerçants… Tous sont très conscients que les politiques menées depuis longtemps mènent à l’échec. Un nombre grandissant d’électeurs fait le choix de l’extrémisme qui serait catastrophique pour l’économie française. Mais cela démontre qu’il y a une colère et surtout une attente de mesures énergiques et pas simplement un retour en arrière ou une politique d’ajustements modestes qui ne répondraient pas à la gravité de la crise.
Les «voyous» d’Air France, comme vous les avez qualifiés, devaient-ils être arrêtés chez eux au petit matin ?
Leur violence est coupable. Contrairement à ce que prétend Jean-Luc Mélenchon, il n’y a pas que les salariés ou les syndicalistes qui soient traités de la sorte, il y a aussi parfois des responsables politiques. Mais il est vrai qu’on pourrait s’abstenir d’aller chercher les gens à 6 heures du matin chez eux dès lors qu’ils ne sont ni des criminels, ni des terroristes…
Qu’avez-vous pensé de la réponse du chef de l’Etat, interpellé par Marine le Pen devant le parlement européen ?
J’ai été scandalisé par l’attitude de Mme Le Pen. Quoiqu’on pense de la politique socialiste, on ne traite pas le président de la République de cette façon dans une enceinte internationale. C’était à la fois humiliant et grossier. François Hollande a répondu comme il devait le faire.
