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Iran, La France, levée progressive de l’embargo, marché du pétrole
Les inflexions des relations internationales laissent espérer une levée progressive de l’embargo auquel l’Iran a été soumis depuis de longues années. Ce pays de 80 millions d’habitants, héritier d’une longue histoire et disposant d’importantes réserves de pétrole, est appelé à jouer un rôle croissant dans la géopolitique du Moyen-Orient. Quatre éléments préliminaires d’analyse peuvent être conservés à l’esprit dans ce contexte.
Toutes les élites dirigeantes du pays ne sont pas favorables à la levée rapide de l’embargo car il va remettre en cause des situations acquises au sein de la République islamique. Il n’est pas sûr, par exemple, que l’armée, qui a des intérêts dans les télécoms, voie d’un bon œil l’arrivée de concurrents étrangers dans ce secteur. De même, des membres du clergé chiite parmi les plus influents ont des intérêts économiques dans des secteurs menacés par la concurrence internationale. Ces groupes de pression pourraient ralentir l’ouverture de l’Iran – sans toutefois a priori pouvoir la bloquer.
Il est évident que l’Iran souffre durement de l’embargo. Ce pays a dû développer de façon plus ou moins autarcique des secteurs entiers de son économie sans pouvoir compter sur l’importation aisée de pièces détachées et autres composants. Aujourd’hui, le stock de capital productif iranien est relativement âgé. Il est maintenu en état de (bon) fonctionnement par un système D généralisé qui tire profit d’ingénieurs d’excellent niveau. Néanmoins, ce mode de fonctionnement est clairement sous-optimal, et l’importation de pièces détachées par le marché noir est coûteuse.
Sur le marché du pétrole, l’Iran ne devrait pas pratiquer une stratégie de volume consistant à vendre quoiqu’il arrive et à n’importe quel prix. Mais il table à ce stade sur un rebond du prix du pétrole à moyen terme et se prépare à augmenter fortement ses capacités de production, avec un objectif de capacité de 6 millions de barils / jours à moyen terme, soit près du double de ses capacités actuelles.
La France pourrait ne pas bénéficier significativement de l’appel d’air économique et financier engendré par l’ouverture graduelle de l’Iran au commerce mondial. Notre diplomatie n’a, c’est le moins qu’on puisse dire, pas soutenu l’Iran depuis 30 ans : de la vente des Mirage à l’ennemi irakien pendant les années 1980 à l’action de notre ministre des Affaires étrangères actuel pour durcir les conditions de l’accord sur le nucléaire iranien, de la préférence actuellement accordée par la France à l’Arabie saoudite au retrait précipité de Peugeot d’un pays qui constituait pourtant un important débouché pour les voitures françaises… l’image de la France en Iran est plus qu’écornée. C’est d’autant plus regrettable qu’un patrimoine intellectuel solide relie les deux pays : les pères de la révolution islamique de 1979 étaient francophiles voire francophones (exil de Neauphle-Le-Château, thèse en Sorbonne d’Ali Shariati) et les meilleurs spécialistes du chiisme iranien ont longtemps été français (avec notamment Henry Corbin).
Professeur d’économie associé à l’Université Paris-Dauphine