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Le secrétaire d'Etat américain John Kerry salue son homologue iranien Javad Zarif à Vienne, avant une réunion des ministres des affaires étrangères sur le conflit syrien.

Les manœuvres diplomatiques s’intensifient sur la Syrie. Elles auront pour point d’orgue la conférence internationale de Vienne, en Autriche, vendredi 30 octobre, précédée d’un dîner préparatoire jeudi soir réunissant les chefs des diplomaties américaine, russe, saoudienne et turque, qui s’étaient déjà entretenus au même endroit, la semaine passée. Les Etats-Unis et la Russie, qui sont divisés sur le rôle que doit jouer le président syrien Bachar Al-Assad, multiplient les efforts pour parvenir à une sortie de la crise qui dure depuis 2011. Retour sur quatre ans d’efforts pour tenter de régler le conflit.

  • Pourquoi réunir une nouvelle conférence ?

En juin 2012, les grandes puissances avaient trouvé à Genève un accord sur les principes d’une transition politique en Syrie. Mais le plan, qui prévoyait la formation d’un gouvernement d’union nationale, était resté lettre morte. « Il était peut-être trop tôt » a estimé le 27 octobre l’ancien secrétaire général des Nations unies (ONU), Kofi Annan. En 2012, il était représentant spécial de l’ONU pour la Syrie.

La conférence dite « Genève 2 », en février 2014, avait d’ailleurs acté l’échec des négociations, résultat de l’impasse dans laquelle se sont trouvés les représentants du régime syrien et de l’opposition d’une part, et des divergences entre Washington et Moscou d’autre part.

« Mais aujourd’hui, a déclaré M. Annan, nous voyons des contacts qui n’étaient pas possibles en 2012. » Selon lui, une solution est désormais possible si la Russie et les Etats-Unis parviennent à « travailler ensemble ».

  • Qui va participer à cette conférence ?

Une dizaine de participants sont attendus : la France, les Etats-Unis, la Russie, l’Arabie saoudite, la Turquie, le Liban, l’Egypte, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Union européenne, mais aussi l’Iran, qui prendra part aux négociations pour la première fois. En revanche, ni le régime syrien ni les rebelles ne seront représentés.

Les Etats-Unis, la Russie, la Turquie et l’Arabie saoudite vont ouvrir les pourparlers dès jeudi soir. Quatre acteurs incontournables, mais aux positions et aux intérêts différents.

  • Quelles sont les positions défendues par les différents protagonistes ?

Les Etats-Unis sont à la tête d’une coalition internationale contre l’organisation Etat islamique (EI) et soutiennent certains rebelles syriens ennemis du régime. Washington refuse, en revanche, de s’engager davantage en Syrie et juge que seule une solution politique, qui passe par l’éviction de Bachar Al-Assad, pourra mettre un terme au conflit. Pour le secrétaire d’Etat américain John Kerry, présent à Vienne, le défi posé ces prochains jours « n’est rien moins qu’une course pour sortir de l’enfer ». La conférence de Vienne est pour lui « l’occasion la plus prometteuse de [trouver] une ouverture politique ».

La Russie a lancé le 30 septembre une campagne de bombardements aériens en Syrie. Elle vise officiellement l’EI, mais les Occidentaux accusent Moscou de pilonner les rebelles syriens pour renforcer Bachar Al-Assad. La Russie estime que l’insistance des Occidentaux à voir partir le président syrien est une erreur et risque de déboucher sur une crise.

L’Arabie saoudite soutient les groupes rebelles, et s’oppose ouvertement à l’autre grande puissance de la région, l’Iran, qui est un allié du régime de Damas. Ryad, qui plaide pour le départ de Bachar Al-Assad du pouvoir, voit les pourparlers de Vienne comme un test du sérieux de Moscou et de Téhéran. « S’ils ne sont pas sérieux, a déclaré mercredi le chef de la diplomatie saoudienne, Adel Al-Jubeïr, nous le saurons, et nous arrêterons de perdre du temps avec eux. On doit avoir la certitude que Bachar Al-Assad quittera [le pouvoir] ».

La Turquie, qui a longtemps refusé d’intervenir contre l’EI, participe à la coalition internationale et frappe en Syrie depuis juillet. La Turquie forme avec l’Arabie saoudite et le Qatar un axe sunnite favorable à la rébellion anti-Assad

 En Syrie, les ennemis de mes ennemis sont…

Une première rencontre entre ces quatre pays s’est déroulée la semaine dernière et mardi, le président américain Barack Obama a appelé le roi Salmane d’Arabie saoudite pour évoquer en particulier la lutte contre l’EI et une possible « transition politique en Syrie ».

  • Comment la France se positionne-t-elle sur ce dossier ?

Mardi, le chef de la diplomatie française Laurent Fabius a réuni ses partenaires européens et moyen-orientaux pour un dîner de travail consacré à la Syrie. Les alliés y ont défini une position commune, comme l’a souligné un communiqué de M. Fabius, publié mercredi :

« Nous nous sommes concertés sur les modalités d’une transition politique garantissant le départ de Bachar Al-Assad dans un calendrier précis. »

Le ministre des affaires étrangères français s’est par ailleurs entretenu mercredi avec son homologue russe Sergueï Lavrov.

  • Pourquoi le rôle de Moscou est-il jugé crucial ?

Considéré comme la seule à disposer des leviers pour amener le régime syrien à la table des négociations, la Russie a un rôle pivot. Pas question pour autant de prendre pour base un plan formulé par Moscou : Paris et les Occidentaux espèrent « que les Russes ont pris conscience qu’il n’y a pas de solution militaire au conflit ».

Selon une source diplomatique française interrogée par Le Monde, « les Russes craignent que l’intervention [en Syrie] ne se transforme en bourbier, en nouvel Afghanistan ». La reconquête des territoires perdus par le régime de Bachar Al-Assad est plus lente qu’espérée, ce qui entraîne des tensions entre Damas et Moscou.

L’intervention russe en Syrie « ne se passe pas particulièrement bien », a d’ailleurs commenté mercredi le secrétaire d’Etat américain adjoint, Antony Blinken. « La Russie dispose de d’avantage d’influence, et a intérêt à pousser Assad et le régime vers une transition », a-t-il ajouté, sur France 24.

  • En quoi la présence de l’Iran à la table des négociations peut-elle changer quelque chose ?

C’est un tournant diplomatique majeur dans la crise syrienne : l’Iran, allié du régime de Damas, va participer aux discussions de Vienne. Téhéran apporte une aide financière et militaire massive à Bachar Al-Assad. Pour l’Iran, le rôle que jouera le président syrien dans la résolution de la crise sera forcément important, comme l’a souligné le vice-ministre iranien des affaires étrangères Abbas Araqchi, mercredi :

« Nous n’œuvrons pas à ce qu’Assad reste au pouvoir, comme président, pour toujours, mais nous sommes conscients du rôle qu’il joue dans la lutte contre le terrorisme et dans l’unité nationale du pays. »

L’Iran n’envoie officiellement pas de soldats en Syrie, mais seulement des « conseillers » membres des gardiens de la révolution, un corps d’élite de l’armée de la République islamique. Toutefois, fait sans précédent, Téhéran a annoncé très officiellement début octobre la mort d’une quinzaine d’Iraniens en Syrie.

http://www.lemonde.fr/proche-orient/article