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Jean-Paul Brighelli, le harcèlement, Najat Vallaud-Belkacem, Tolérance zéro, Un clip inepte
Les mesures prises par Najat Vallaud-Belkacem pour lutter contre le harcèlement à l’école sont, comme d’habitude, purement cosmétiques.
Entendons-nous : le harcèlement à l’école est un sujet très sérieux, qui mérite qu’un ministre s’en préoccupe et prenne rapidement des mesures : mesures disciplinaires lourdes pour punir les harceleurs (qui sont les grands absents de toutes ces campagnes, comme je le remarquais dans un précédent billet consacré à la question), formation sérieuse des maîtres débutants, comme de ceux qui sont déjà en poste. Les ESPE, qui servent essentiellement à enseigner des pédagogies qui ne marchent pas, pourraient enfin trouver une légitimité.
Mesure-phare de la nouvelle stratégie ministérielle, le numéro vert mis en place sous Luc Chatel devient un numéro à 4 chiffres – mais on ne vous répondra qu’aux heures où vous êtes harcelé(e), sachez-le : après 18 heures, le service s’interrompt. Pour le reste, rien de nouveau : on occupe les médias, on y promène sa bobine, sans apporter ne serait-ce qu’un commencement d’analyse et de solution.
Parce que les leçons de morale, sur un tel sujet, ne servent à rien.
Un clip inepte
Sinon, et comme d’habitude, le ministère a commandé un clip qui sera projeté dans les écoles et les collèges et qui est censé faire honte aux harceleurs.
Produit par Disney (si !) et mis en scène par Mélissa Theuriau (je ne demande pas la lune, mais pourquoi elle ? Parce que c’est une femme ? Parce qu’elle a cuisiné jadis Brice Hortefeux ? Parce qu’elle est la compagne de Jamel Debbouze, dont on sait qu’il est le modèle pédagogique que voudraient nous imposer Valls et Vallaud-Belkacem ? N’importe quel grand cinéaste de gauche – il y en a, Bertrand Tavernier par exemple – aurait fait mille fois mieux). Ce clip inepte ne montre pas le vrai visage des harceleurs, et fait peser l’essentiel de la responsabilité sur l’enseignante – de quoi faire bondir tous les collègues, et particulièrement Paul Devin, inspecteur du primaire et secrétaire général du SNPI-FSU, qui trouve lui aussi que la « com » ministérielle ne remplace pas l’action.
Le pauvre gosse harcelé est roux – vieille malédiction des roux. Sous Chatel, il était gaucher – vieille malédiction des gauchers. Poncifs et stéréotypes. Dans la réalité, il est effectivement souvent faible – le dernier cas où j’ai eu l’occasion d’intervenir, avec tous mes collègues, concernait une gamine malade -, mais il est le plus souvent bon élève. Quatre brutes à front bas contre un « intello » – et il faudra un jour demander des comptes à tous ceux qui ont laissé s’installer la haine du savoir et de l’intelligence -, c’est cela, le plus souvent, la réalité du harcèlement. Ajoutez les distinctions de « communautés » – la gauche a tenu à réinventer les particularismes ethniques ou religieux, la droite classique a laissé faire, la République finit éparpillée façon puzzle, de malheureux gosses en paient le prix -, et vous avez le chaudron de sorcières où mijotent les occasions de harcèlement.
Tolérance zéro
C’est ce que pensait La Fontaine (dans la fable des Deux pigeons), et c’est la réalité de terrain, n’en déplaise aux pédagogues post-rousseauistes qui veulent croire que l’enfant est bon. L’enfant est sauvage, même quand il n’a pas été élevé avec les loups. C’est à l’institution scolaire – et naturellement à ses parents, trop souvent en faillite éducative – de redresser (c’est le sens premier d’instituer, qui a donné instituteur) la petite bête féroce qui arrache les ailes des mouches et distribue des gnons à ses camarades.
Il faut urgemment instaurer une tolérance zéro. Tout harceleur doit être non seulement exclu, mais traduit en justice. Il faut former les enseignants (et pas seulement les enseignants) à détecter les maltraitances physiques ou psychiques. Il faut moraliser les réseaux sociaux : une attaque via Facebook doit être elle aussi passible des tribunaux, et aucun anonymat ne doit persister face à un délit, qui peut entraîner la mort, dois-je le rappeler.
Alors, cessons de trouver des excuses aux harceleurs, et prenons-les pour ce qu’ils sont : des brutes et des délinquants.
Ah, mais ils ne font que répéter une violence qu’ils subissent, disent les belles âmes. Ma foi, les belles âmes (qui inscrivent leurs enfants dans des établissements sans problèmes) sont responsables, à force de mansuétude et de « compréhension », d’une extension du domaine de la violence. Réinstituons déjà la transmission impitoyable du savoir et des Lumières à l’école, ce sera un premier pas. Et parallèlement, traduisons en justice les petits caïds en puissance. Ça leur évitera de finir un jour sous les balles d’autres caïds.