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Jean-Claude Jaillette
Philippe Verdier était le Monsieur Météo de France 2, s’invitant chez les Français à l’heure du déjeuner ou du dîner. Etait, car il a reçu une lettre de licenciement il y a quelques jours après avoir été suspendu d’antenne pendant un mois. Sa faute? Avoir publié un livre, « Climat investigation » (Ring) dans lequel il porte un regard très critique sur la COP21, « prisonnière, écrit-il, d’intérêt économiques, politiques et financiers. » Il a réservé à Marianne ses premières réactions. « France Télévisions me licencie pour délit d’opinion, et peu de gens à l’intérieur de la chaîne s’en émeuvent », dit-il. Il précise que France Télévisions connaissait l’existence de son livre et son contenu depuis plusieurs mois déjà.
Philippe Verdier, météo France 2 – DR

Marianne : Quels motifs invoque France Télévisions dans la lettre de licenciement que vous venez de recevoir ?

Philippe Verdier : Ils m’écrivent que les faits incriminés relèvent de la faute grave – ce qui me priverait d’indemnités, c’est moi qui l’ajoute – mais qu’ils ne retiennent qu’une faute simple. Ils mettent en avant deux types de griefs. En premier lieu d’avoir été présenté comme journaliste à France 2 dans la promotion du livre. Or, à la suite d’échanges avec la direction de France 2 dans les jours qui ont suivi la parution du livre j’ai modifié ma communication et notamment supprimé les références à France 2 sur mon compte Twitter. Les autres griefs portent sur des propos tenus dans les interviews où j’ai évoqué la possibilité de pressions sur mes employeurs dès la sortie de mon livre. Selon eux, ça jetterait un doute sur l’indépendance de l’information à France Télévisions. Or quand j’écoute Delphine Ernotte, la présidente de France Télévisions, devant les députés à l’Assemblée nationale la semaine dernière, elle dit à propos de l’émission Des Paroles et des Actes avoir subi des pressions auxquelles elle n’a pas cédé. Donc je ne comprends pas. Je comprends d’autant moins que David Pujadas, le présentateur du Journal Télévisé de 20 heures sur France 2 vient de publier un livre intitulé « Vous subissez des pressions ? » et dont la jaquette annonce « Dans les Coulisses du JT ». Et là il n’y a pas de problème ? Les arguments de France Télévisions sont discriminatoires.

Etes-vous soutenu à l’intérieur de la chaîne ?

Philippe Verdier : Mis à part le syndicat FO très affecté par l’atteinte à la liberté d’expression, aucun syndicat ne m’a manifesté son soutien. Pas plus que la Société des journalistes.

N’aurait-il pas été plus habile de votre part de prévenir votre direction de la publication d’un tel livre, ce que les syndicats que nous avons contactés vous reprochent d’ailleurs ?

Philippe Verdier : Mais c’est totalement faux. La direction de France Télévisions est au courant depuis la fin du mois de juin dernier, et notamment Pascal Golomer, directeur de l’information. Mieux, durant tout l’été, le service de communication de France Télévisions et l’attachée de presse de mon éditeur Ring, ont travaillé main dans la main pour mettre au point la sortie du livre.

De quelle manière ?

Philippe Verdier : Il s’agissait de faire en sorte que l’image de l’auteur soit optimisée sans que cela nuise à l’image de la chaîne.

Mais peut-être la direction de France Télévisions n’avait pas saisi que vous critiquiez à ce point la COP 21 qui est une échéance politique importante pour le président de la République ?

Philippe Verdier : Faux encore. J’ai eu plusieurs conversations avec Pascal Golomer à propos de mes positions sur la COP21. Il ne pouvait pas l’ignorer.

Alors que s’est-il passé ?

Philippe Verdier : Du jour où le livre est sorti, accompagné d’une lettre ouverte au Président de la République publiée par le site internet du Point, leur position a changé. Y’a-t-il eu des pressions de l’Elysée ? J’envisage toutes les hypothèses sans en privilégier aucune.

Certains politiques se sont déchaînés contre vous. Nathalie Kosciusko-Morizet vous a classé parmi les climato-sceptiques, « des connards » a-t-elle dit. Emmanuelle Cosse vous compare aux révisionnistes nazis qui nient l’existence du Sida. Comment avez-vous pris cela ?

Philippe Verdier : Quelques jours après son passage à Canal + où elle a tenu ces propos, NKM m’a appelé pour me rencontrer. Elle m’a dit que depuis, elle avait lu mon livre et qu’elle considérait que je n’étais pas climato-sceptique. (NDLR. Contacté par Marianne, NKM confirme avoir pris un café avec Philippe Verdier, à sa demande. Elle n’avait pas encore lu le livre dit-elle. « C’est lui qui m’a assuré ne pas être climato-sceptique. Je lui alors suggéré de le dire plus clairement, mais je n’ai pas le sentiment qu’il l’ai fait. »)

Mais alors pourquoi ce qualificatif vous colle-t-il aux basques ?

Philippe Verdier : Ceux qui me qualifient ainsi n’ont pas lu le livre. J’écris clairement que le changement climatique est un fait avéré et qu’il faut s’en préoccuper. Je porte juste un regard critique sur la COP 21 et non sur le climat. Je constate qu’on ne peut avoir un débat serein sur le climat sans être diabolisé. Toucher au climat est désormais un blasphème.

http://www.marianne.net