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Alors qu’est relancée la question de la carte scolaire, Jean-Rémi Girard estime qu’au nom de la mixité, la suppression des enseignements d’excellence organisée par le ministère de l’Éducation nationale a accru la ségrégation par l’argent.
L’idée, sur le papier, est séduisante — sauf en ce qui concerne l’impossible organisation de la mise en œuvre des nouveaux programmes de CM1-CM2-6e, qui sont, rappelons-le, sans repères annuels ou presque. À la marge, cela peut permettre d’améliorer certaines situations. Le souci, c’est qu’on ne résout en rien les vrais problèmes de départ. Le principal porte un nom: le privé sous contrat.
Réfléchissons deux secondes: on tente par tous les moyens d’améliorer la mixité sociale dans le système scolaire, mais, parallèlement, on entretient un autre système complètement dérogatoire, qui choisit ses élèves, et qui fait payer les familles pour cela. Comment voulez-vous qu’on s’en sorte? Car la carte scolaire, c’est très joli tant que ça s’applique aux autres. Mais le jour où elle vous dit que la chair de votre chair doit aller dans un établissement qui a (à tort ou à raison) mauvaise réputation, seulement 54% de réussite au brevet et une certaine notoriété dans la presse locale comme pourvoyeur de faits-divers, le premier réflexe est généralement de savoir comment on va se débrouiller pour mettre junior ailleurs.
Il n’y a pas à chercher bien loin: le privé sous contrat, en pleine expansion, vous ouvre les bras, et en est réduit à faire des listes d’attente tellement les demandes d’inscription sont nombreuses. Et voilà comment la ségrégation sociale s’organise, carte scolaire ou pas carte scolaire, le personnel politique étant d’ailleurs le premier à recourir à cette solution (par exemple avec la fameuse École Alsacienne).
Il ne s’agit pas d’accuser les établissements privés sous contrat, qui après tout ne font qu’exister dans un cadre légal qui les autorise, mais bien de pointer du doigt que toute carte scolaire est dès le départ vouée à l’échec si elle n’intègre pas ces établissements. Cela demanderait une volonté politique que l’on n’a apparemment pas.
Qu’en est-il enfin du latin, des bilangues, toutes choses réputées comme servant de moyen de contourner la carte scolaire, et qui seront impitoyablement supprimées ou ratiboisées par la réforme du collège à la rentrée prochaine? Aussi incroyable que cela puisse paraître, c’est justement leur existence dans les établissements les plus défavorisés (ceux de la fameuse «éducation prioritaire») qui permet encore d’avoir une certaine mixité sociale dans ces collèges. Les supprimer conduira donc à… moins de mixité sociale. Ça tombe bien: le privé sous contrat va tout faire, lui, pour les maintenir. Y compris en faisant payer les familles. Parvenir, au nom de la mixité, à accroître la ségrégation par l’argent, c’est une sacrée performance. Chapeau Madame la ministre!