François Hollande juge « inadmissible » les difficultés qui entourent la nouvelle règle selon laquelle le silence de l’administration vaut acceptation.
Par Emmanuel Berretta

Le Conseil des ministres du 5 novembre a parachevé une oeuvre digne des Shaddock : le nouveau principe qui veut que le silence gardé pendant deux mois par l’administration vaut consentement à la demande d’un citoyen. Ce jour-là, Emmanuel Macron présente au président Hollande et à l’ensemble du gouvernement un décret (publié le 7 novembre au JOI) appliquant le principe du « qui ne dit mot consent » au domaine de la propriété intellectuelle. Mais les exceptions sont assez nombreuses, si bien que la règle qui voulait, à l’origine, simplifier la vie des Français devient d’une complexité infernale.
Ainsi, pour le seul domaine de la propriété intellectuelle, le décret comporte à lui seul 19 articles et renvoie à un tableau d’exceptions qui font varier le délai de silence jusqu’à un an parfois… Tout sauf simple. L’agacement de François Hollande est palpable sur ce sujet. D’autant plus qu’un rapport des sénateurs Hugues Portelli et Jean-Pierre Sueur, datant du 15 juillet dernier, avait déjà attiré l’attention du chef de l’État sur la complexité de la nouvelle règle. François Hollande avait lu la note résumant le rapport en y apportant un commentaire de sa main : « Inadmissible. »
Jusqu’ici, le silence valait refus
Depuis 1864, l’administration française baigne dans la culture du « silence vaut rejet ». Elle pouvait ainsi faire la sourde oreille, prendre du retard, faire preuve de négligence, voire de mépris, son silence valait refus. Et l’ordre des choses n’en était pas bousculé. François Hollande, qui pense bien faire, renverse le principe à travers la loi du 12 novembre 2013 dont l’application ménage pour les administrations un temps d’adaptation. Pour ce qui relève de l’État, la loi est entrée en vigueur le 12 novembre 2014. S’agissant des collectivités locales et des organismes de la Sécurité sociale, le silence vaut consentement à partir du 12 novembre 2015. « C’était une fausse bonne idée », souffle-t-on dans son entourage.
Dans la pratique, les bienfaits du « silence vaut acceptation » sont maigres : 1 200 procédures répondent désormais au « silence vaut acceptation » contre… 400 auparavant. Autrement dit, le principe antérieur du « silence vaut refus » comprenait lui aussi des exceptions ! Simplifions, simplifions… Premier problème : même sur les 1 200 procédures simplifiées, il faudrait que les citoyens sachent que, pour 470 d’entre elles, le délai de silence valant consentement est supérieur à deux mois… Et dans le cas des exceptions, quand le silence vaut encore rejet, il faudrait que les citoyens sachent que, dans un certain nombre de cas, le silence ne vaut refus qu’au bout de six mois ou d’un an… Bref, la simplification a abouti à une telle complexité qu’il est nécessaire d’avoir un bon juriste, connaisseur de la matière, pour retrouver son chemin. En effet, il faut consulter pas moins de 42 décrets pour explorer toutes les exceptions dont souffre le principe du « silence vaut acceptation »…
Les sénateurs Portelli et Sueur suggéraient, dans leur rapport, de créer une liste unique des exceptions consultables en ligne. Faible remède au moment où les collectivités locales et la Sécurité sociale basculent à leur tour dans la règle du « qui ne dit mot consent ». Pas moins de 690 démarches administratives auraient été recensées, dont 260 pour les collectivités locales. Avec, là aussi, des exceptions… Portelli et Sueur recommandaient la création d’un outil pédagogique. Oui, une formation au droit administratif de cinq ans dans une bonne faculté de droit. Et pour l’admission en fac, le silence de plus de deux mois vaut-il inscription ?