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François Schaller

Le commissaire européen Pierre Moscovici à Genève un jour de grève, sur invitation de L’Agefi et de notre partenaire Academy & Finance, voilà qui va probablement laisser un souvenir amusé à ce socialiste habitué à entendre que les débrayages et manifestations sont une spécialité française pratiquement inconnue des voisins suisses si raisonnables. Plus sérieusement, son allocution d’hier a surtout permis de prendre du recul par rapport à des évolutions majeures depuis la crise bancaire mondiale de 2008.

L’exigence de transparence fiscale, entre Etats et privés tout d’abord, entre Etats et entreprises ensuite, a été présentée comme une contrainte morale et politique venant d’en bas. De l’opinion publique dans les pays développés, lassée de savoir que d’importants contribuables parviennent à échapper à l’imposition. C’est certainement vrai, et probablement une bonne chose (que l’histoire jugera différemment selon les époques). L’explication est toutefois incomplète: la transparence générale décrétée vient surtout après une longue période d’augmentation continue des charges fiscales incitant à la mobilité des contribuables. C’est pour réduire cet effet pervers qu’un cartel fiscal a tenté de verrouiller les fuites. Les Etats participants doivent encore démontrer que cette étape ne servira pas ensuite à mieux libérer vers le haut la fiscalité, de manière antiéconomique et pénalisante en premier lieu pour  le financement des systèmes sociaux.
Dans les années 1990 et 2000, il était abondamment expliqué que les entreprises et les personnes devenaient de plus en plus mobiles à l’échelle du monde. Et qu’il appartenait aux Etats d’offrir des conditions cadres attractives pour les attirer La Suisse y est remarquablement parvenue, comme beaucoup de petites économies flexibles et très ouvertes sur le monde. Il était à prévoir que la tendance fût ensuite de considérer certains succès remarqués comme une concurrence déloyale. Surtout lorsque l’on est une grande puissance. Le terme a sonné comme un couperet dans la bouche de Pierre Moscovici. Les intérêts d’un demi-milliard d’Européens ne valent-ils pas mieux que ceux de moins de dix millions de Suisses?

Au-delà de la transparence fiscale, qui ne sera de loin pas universelle (l’OCDE n’est pas l’ONU), l’Union européenne a aussi obtenu de la Suisse que son imposition des entreprises soit la même pour toutes. Locales ou implantées. Pierre Moscovici a expliqué hier que l’UE, comme dans d’autres domaines, allait aussi aller plus loin que le système OCDE en matière de transparence et de procédures BEPS (base erosion and profit shifting). La publication des conditions fiscales à charge des entreprises, au lieu de simples échanges d’informations entre administrations. «Cette question devra également être discutée avec la Suisse une fois que notre politique en la matière sera décidée.» L’an prochain apparemment. On sait ce que cela veut dire. Et l’on ne voit pas très bien pourquoi les raisonnements qui convaincront la Suisse de s’aligner ne conduiront pas plus tard à aligner les taux d’imposition sur des moyennes ou minimas européens.

 

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