C’est l’un des articles les plus partagés de la journée sur le site web du Monde. Dans une lettre ouverte, publiée par le quotidien, l’actrice de 30 ans, Loubna Abidar revient sur l’agression dont elle a été victime, la semaine dernière, dans les rues de Casablanca.
Depuis la sortie de Much Loved, le film de Nabil Ayouch dans lequel elle incarne une prostituée de Marrakech, (long métrage interdit au Maroc), le ciel de la jeune femme s’est de fait brutalement obscurci par l’ignorance de ceux (responsables religieux, politiques ou anonymes) qui préfèrent, dans le royaume, condamner la fiction plutôt que l’hypocrisie (réelle) qui entoure le juteux business de la prostitution ; officiellement condamnée mais officieusement très rentable.
« Sale pute »
Loubna Abidar, coupable d’avoir approché cette vérité et de l’avoir incarnée aux yeux du monde, est ainsi devenue dans la bouche d’une large partie de la société marocaine une « sale pute. » « Rien n’a calmé la haine contre moi. Sur Facebook et Twitter, mon nom est associé à celui de « sale pute » des milliers de fois par jour. Quand une fille se comporte mal, on lui dit « tu finiras comme Abidar » explique en effet l’actrice dans Le Monde.
Sorties désormais intégralement voilée – comble du « paradoxe » pour cette femme libre qui ne se sent plus « protégée » qu’en « burqa » – ou retranchée chez elle, Loubna Abidar s’est ainsi cachée pendant des semaines après la sortie du film. Jusqu’à cette agression, lundi 5 novembre. Trois jeunes hommes dans une voiture, ivres. Les coups. La douleur…
« La nuit a été terrible. Les médecins à qui je me suis adressée pour les secours et les policiers au commissariat se sont ri de moi, sous mes yeux (…) heureux de (l)a voir cassée (…) Je me suis sentie incroyablement seule… » poursuit dans le quotidien du soir Loubna Abidar, aujourd’hui réfugiée en France : « Il y a une partie de la population, au Maroc, que les femmes libres dérangent, que les homosexuels dérangent, que les désirs de changement dérangent. Ce sont eux que je veux dénoncer aujourd’hui… »
En face, la liberté de la comédienne, récompensée cet été au festival d’Angoulême, effraie, incommode. Une plainte de la Direction générale de sécurité nationale marocaine (DGSN) vient d’ailleurs d’être déposée. Les déclarations de Loubna Abidar seraient « fausses. » Pis, « elles porteraient atteinte » à la police marocaine.
