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association des maires des Hauts-de-Seine, éclairez les élus, la morale chrétienne, le curé de Vanves, Seigneur Dieu

L’Eglise catholique peut-elle éclairer les élus dans la gestion de leur ville ? A leur demande, un prêtre se tient désormais à leur écoute. Car les sollicitations étaient nombreuses. « Depuis plusieurs mois, de plus en plus d’élus chrétiens m’abordaient à la sortie de la messe pour me demander de faire quelque chose pour eux.
Mais je ne savais pas exactement ce dont ils avaient besoin », se souvient l’évêque de Nanterre.
Monseigneur Aupetit décide alors d’organiser une rencontre avec les élus – maire, conseillers municipaux et parlementaires – pour préciser cette demande. Fin juin, à l’évêché, près de quatre-vingt élus répondent à son appel, confirmant « un intérêt certain ». Le mariage pour tous, notamment, y est évoqué. Et le curé de Vanves, qui ne cache pas son appétence pour la politique, est missionné par l’évêque pour préparer la suite.
«L’Evangile n’est pas un manuel de politique»« A la paroisse Sainte-Clothilde, derrière l’Assemblée nationale, il existe déjà un service officiel pour les députés chrétiens. Mais il s’agit plus de lobbying. Nous, on veut notamment mettre en place du coaching spirituel», argue le père Auville, qui se défend de toute « collusion des genres ». « L’Evangile n’est pas un manuel de politique, continue le prêtre. Je n’ai pas l’intention de me prendre pour un maire, et les élus ne se prendront pas pour des curés. Si j’osais, je dirai que c’est comme un travail de psy. » « On leur propose un lieu pour prendre du recul sur ce qu’ils font. C’est rare ces endroits-là aujourd’hui », complète l’évêque de Nanterre.
Les entretiens avec les élus n’ont pas encore commencé. Mais déjà, une dizaine d’entre eux se sont dits intéressés par ce coaching -qui prendra la forme de « rendez-vous individuels mensuels »- et par des modules de formation. « Dans leur fonction, les élus sont régulièrement confrontés à des cas de conscience, observe le père Auville. Par exemple, si un maire a trois logements sociaux à attribuer mais une centaine de demandeurs, comment va-t-il choisir ? Pareil pour les places en crèche, les subventions accordées à telle ou telle association…»
«Faire des compromis entre la morale chrétienne et la loi de la République»En quoi l’Eglise peut-elle apporter des réponses à ces questions ? « En théologie, nous avons des repères pour avoir une conscience éclairée : apprendre à jauger une décision, prendre en compte les conséquences de cette décision… précise Bertrand Auville. Il faut savoir faire des compromis, sans se compromettre, entre la morale chrétienne et la loi de la République. »
Pour mettre en pratique ce «coaching spirituel», le curé s’est entouré d’une équipe dont fait partie Denis Badré, maire (Modem) de Ville d’Avray. « Les élus sont assez grands pour prendre leur propre décision, appuie l’intéressé. Mais l’Eglise réfléchit depuis des milliers d’années aux sujets de société. Ce n’est donc pas idiot d’écouter son point de vue ».
Jacques Gautier, maire (LR) de Garches (LP/R.C.) « Chacun est libre de faire ce qu’il veut », observe Jacques Gautier, président de l’association des maires des Hauts-de-Seine. Pour qui la mise en place d’un coaching spirituel par l’évêché de Nanterre n’est pas un frein à la laïcité. « Ce sont simplement des échanges sur des problématiques de société. Quand on est élu, il faut savoir se remettre en cause. On a donc toujours intérêt à parler avec d’autres, revendique le maire (LR) de Garches. Après, les hommes politiques sont assez formés pour faire leur choix eux-mêmes. » Selon lui, le fait d’avoir missionné quelqu’un au sein de l’évêché pour faire le lien avec les élus locaux est « un guichet d’entrée avec l’Eglise ». « Nous avons désormais un interlocuteur identifiable au sein du département. Avant, nous avions une question sur la religion, c’était compliqué de savoir à qui s’adresser, observe Jacques Gautier. Cela serait aussi intéressant de le faire avec les autres religions. Et c’est bien que l’Eglise s’ouvre à la cité en dehors de ses paroissiens. »
Patrice Leclerc, maire (PCF) de Gennevilliers (LP/A.R.) « En quoi le curé de Vanves peut-il me donner des conseils pour gérer ma ville ? », s’interroge, perplexe, Patrice Leclerc. Pour le maire PCF de Gennevilliers, cette offre de l’évêché de Nanterre est « bizarre ». « La laïcité n’empêche pas de discuter avec tout le monde. Moi-même, il m’arrive régulièrement d’avoir des réunions avec les représentants des cultes religieux, y compris avec le curé. C’est intéressant d’avoir son avis sur une question religieuse, si on doit par exemple construire un cimetière dans la ville, précise le maire. Mais je ne vois pas l’intérêt d’aller parler de ça avec le curé d’une autre ville ». Selon lui, la démarche de l’évêché, contrairement à ce qu’avance le curé de Vanves, a tout du « lobbying ». « C’est une tentative de la religion chrétienne d’influencer le monde politique, estime Patrice Leclerc. Je n’y participerai pas parce que cela revient clairement à donner à la religion un poids que je ne lui reconnais pas. »