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Le Canada se retirera des frappes contre le groupe armé État islamique, comme prévu

 

Guillaume Bourgault-Côté | Canada
Ravitaillement en vol de CF-18 canadiens au-dessus de l’Irak
Photo: Sgt. Perry Aston U.S. Air Force La Presse canadienne Ravitaillement en vol de CF-18 canadiens au-dessus de l’Irak

Les attentats de Paris — et le durcissement de ton de la communauté internationale face au groupe armé État islamique (EI) — n’y changeront rien : le Canada entend bel et bien cesser bientôt sa participation à la mission de frappes aériennes contre EI, a réitéré le gouvernement libéral dimanche. Dans ce contexte tendu, la décision d’accueillir 25 000 réfugiés syriens d’ici la fin de l’année tient elle aussi la route.

« Les événements de vendredi montrent l’importance d’une collaboration entre les alliés dans la lutte contre EI, a indiqué au Devoir Dominic Leblanc, leader parlementaire du gouvernement Trudeau. Cela veut dire une implication militaire pour le Canada. Mais nous avons toujours dit et nous maintenons que la meilleure façon pour le Canada de contribuer n’est pas de le faire par des bombardements. La mission de combat devra prendre fin. »Les libéraux entendent plutôt fournir une aide à la formation de soldats locaux, et renforcer le volet humanitaire de la mission canadienne, entre autres. « Nous sommes complètement ouverts à l’idée de discuter avec nos alliés d’autres façons de contribuer à la lutte contre EI, selon M. Leblanc. Et ce genre de conversations va avoir lieu dans les prochains jours. »

Samedi, le ministre des Affaires étrangères, Stéphane Dion, avait lui aussi soutenu à Radio-Canada que si le Canada « réinvestit ses efforts dans l’entraînement des combattants locaux, […] pour les forces policières, pour l’aide humanitaire, [il sera] un partenaire plus efficace pour la coalition [qu’en investissant] tant d’efforts et d’argent pour aboutir à 2 % seulement des forces de frappe aériennes. »Pour le moment, les six avions de chasse CF-18 canadiens qui participent aux frappes de la coalition internationale contre EI demeurent engagés dans la lutte. Ils ont effectué quelque 1100 sorties de combat depuis la fin octobre 2014, en Irak et en Syrie. Le Parlement dominé par les conservateurs avait autorisé la mission jusqu’au 30 mars 2016 : les libéraux n’ont jamais précisé de date de sortie.

La position des libéraux est celle qu’ils ont défendue en campagne électorale. Au lendemain de l’élection, le premier ministre Trudeau avait d’ailleurs profité de sa première conversation avec le président Obama pour lui confirmer que le Canada cesserait les sorties de combat.Mais selon la chef de l’opposition, Rona Ambrose, « le Canada ne devrait pas retirer l’aviation royale canadienne de la coalition qui lutte actuellement contre le groupe EI », a-t-elle dit samedi. Actuellement en visite en Turquie pour le sommet du G20, Justin Trudeau pourrait faire face à d’autres pressions de ce genre de la part des alliés de la coalition. Pour un, Washington a déjà promis d’intensifier la lutte en Syrie.

M. Trudeau n’a pas commenté la situation dimanche, sinon pour répéter que le gouvernement fait « tout le nécessaire pour garder en sécurité » les Canadiens. Le ton de sa réaction initiale, vendredi, tranchait avec celui de plusieurs autres dirigeants occidentaux, beaucoup plus affirmatifs.Mais M. Trudeau ne doit pas céder à la tentation de « nourrir la guerre par la guerre », estime Hélène Laverdière, porte-parole du Nouveau Parti démocratique en matière d’Affaires étrangères. « Nous sommes d’accord avec les libéraux : le Canada doit en faire plus sur le plan humanitaire. Tout le monde sait qu’on ne réglera pas la situation par des bombardements, mais plutôt en luttant contre la radicalisation ou en asphyxiant EI », dit-elle.

Même écho chez François Audet, directeur de l’Observatoire canadien sur les crises et l’action humanitaire. « Notre rôle à nous doit être orienté vers une approche de maintien de la paix et de renforcement de la sécurité locale, dit-il. Ce n’est pas en bombardant que ce conflit va se résoudre. »Les réfugiés viendront

Par ailleurs, Dominic Leblanc a aussi confirmé que les attentats de vendredi ne modifient pas l’objectif du gouvernement d’accueillir 25 000 réfugiés syriens d’ici quelque 45 jours.« Il n’y a pas de doutes que les événements vont faire en sorte que les agences de sécurité nationales feront tous les efforts pour s’assurer que les gens qu’on embarque sur les avions ont eu des vérifications de sécurité appropriées », a commenté M. Leblanc. « Mais nous avons toujours mis en avant que nous ferons le maximum comme vérifications de sécurité et de santé. »

En Europe, des voix se sont élevées cette fin de semaine pour réclamer un durcissement des politiques en matière de réfugiés. Selon des informations qui demeuraient à confirmer dimanche soir, un des kamikazes du Stade de France portait un passeport syrien indiquant qu’il était récemment entré en Europe par la Grèce : assez pour que l’amalgame réfugié-terroriste soit mis en avant ici et là. Dans la foulée, un citoyen de Québec a lancé une pétition contre l’arrivée des 25 000 Syriens, par « peur d’infiltration de djihadistes pour la sécurité nationale ». D’autres citoyens ont lancé une pétition demandant, au contraire, l’arrivée rapide des Syriens.La crainte qu’un terroriste se glisse dans un avion de réfugiés n’a pas lieu d’être, estime Hélène Laverdière. « Les terroristes ne sont généralement pas des réfugiés — il y avait d’ailleurs plusieurs Français parmi les assaillants de vendredi, rappelle-t-elle. Les réfugiés sont au contraire des gens qui fuient les terroristes… »

« Si des terroristes veulent rentrer au Canada, ils n’attendront pas un vol militaire gratuit, ajoute François Audet. S’ils ont à venir, ils vont venir. » Il rappelle que le processus de sélection des réfugiés qui seront admis au Canada comporte trois étapes : l’octroi d’un statut de réfugié par l’Agence des Nations unies pour les réfugiés ; une enquête de santé ; puis une enquête de sécurité qui est menée par les autorités canadiennes en croisant des informations avec Interpol, par exemple.« Il y aura toujours un risque, et il ne faut pas bâcler les enquêtes pour respecter une promesse temporelle, dit-il. Mais le modus operandi des terroristes n’a jamais été d’utiliser des avions remplis de réfugiés pour rentrer dans un pays. »

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