Étiquettes

, , , , ,

Jean-Yves Archer 
  • Congrès Versailles : approximations François Hollande Congrès de Versailles : les approximations de François Hollande

Le Président s’est exprimé devant le Congrès réuni à Versailles. Il a réaffirmé sa détermination à lutter contre le terrorisme, au prix, hélas, de plusieurs approximations républicaines.

Le président de la République a pris la parole ce lundi 16 novembre devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles . Cette déclaration fait suite aux attentats du 13 novembre à Paris et Saint-Denis , faisant, pour l’heure près de 130 victimes. Depuis la réforme constitutionnelle de 2008, ce n’est que la deuxième fois qu’un chef d’Etat s’exprime ainsi.

L’exposé a été clair, mais l’éloquence n’a pas accompagné la parole. Lire des notes, ce n’est pas s’en libérer pour convaincre un auditoire comme le fit avec brio Manuel Valls le 13 janvier dernier devant l’Assemblée nationale. Plus fondamentalement, cette prise de parole a été viciée par quatre approximations républicaines.

Hollande a manqué de recul historique

Qu’on le veuille ou non, les déstabilisations de l’Irak et de la Syrie portent la marque de nos propres imperfections et de la volonté plus que myope des Etats-Unis.

Kurdes, chiites, sunnites de telle ou telle tendance, chrétiens d’Orient sont à l’unisson pour constater leur impossibilité de survivre sous le système politique terrifiant du groupe autoproclamé Etat islamique. Ils en sont les premières victimes. Ne l’oublions jamais.

Nous n’avons pas eu la garde assez haute face à ce prétendu califat et puisqu’il faut engager la guerre, il est requis de se placer dans une perspective historique comme l’a déjà dit et répété Hubert Védrine.

A Versailles, François Hollande n’aura pas théorisé le pourquoi du recours aux armes par un corpus analytique républicain. Il aura listé plus qu’expliqué. Il aura dit plus que démontré. Il se sera contenté d’une formule sans portée opératoire : « Quand la France est atteinte, c’est le monde qui est plongé dans la pénombre ».

Réunir le Congrès menace l’unité nationale

Si la situation de guerre face à un Etat qui n’en est pas un juridiquement parlant doit s’inscrire dans la durée, le Président Hollande devait, pour la cohésion nationale, faire preuve de davantage d’autorité énonciative.

Faute d’impact réel sur le Congrès, il aurait largement suffi que le Président ait recours à l’ alinéa 1er de l’article 18 : « Le Président de la République communique avec les deux assemblées du Parlement par des messages qu’il fait lire et qui ne donnent lieu à aucun débat ».

C’est une lourde approximation républicaine que d’avoir choisi le chemin de Versailles qui brise l’unité nationale à partir du moment où un débat a lieu une fois le Président sorti des lieux. D’autant que ce débat est une option constitutionnelle et non une obligation.

« Jamais le donjon en premier ! » est un adage que François Hollande a hélas méconnu. Hélas pour sa personne et hélas pour la nation. Il fallait garder, en réserve de la République – tant l’avenir est incertain -, l’opportunité lumineuse consistant à réunir le Congrès.

Le Président aurait dû envisager une réforme constitutionnelle après « Charlie »

La France, faute de restrictions réalistes de libertés, d’actions policières pointues ou systématiques, n’aura pas assez de chaloupes de sauvetage ou de caponnières : il pourrait y avoir trop de héros anonymes fauchés par l’inventivité maléfique des terroristes.

Non, nous ne voulons pas changer du tout au tout pour ce qui concerne notre mode de vie, notre refus de la théocratie, notre attachement au libre statut des femmes, etc. C’est pour tout cela qu’il faut poser la question du recours à l’article 36 de la Constitution qui prévoit l’état de siège.

Une décision plus pertinente que le toilettage de la loi de 1955 relative à l’état d’urgence évoqué par le Président Hollande. En matière d’arsenal juridique, mieux vaut viser large et c’est ainsi que le chef de l’Etat a fait une annonce fracassante et opportune : celle d’une réforme constitutionnelle qui viendra précisément compléter l’article 36 afin d’y inclure une faculté de recours à l’état d’urgence tel que redéfini par un nouveau texte.

Une simple question posée avec respect et componction : pourquoi ne pas s’être posé cette problématique après les attentats de janvier 2015 ? Il y a eu un retard à l’allumage qui vaut approximation républicaine.

Le chef de l’Etat est en retard sur la question des Français terroristes

Maintenant, nous ne pourrons plus dire que le groupe terroriste Etat islamique vise des cibles précises comme du temps des attentats de janvier 2015. Désormais, tout ce qui bouge en France est un objet de ball-trap pour ses adorateurs dévoyés du Prophète.

Face à la provenance des terroristes dont certains sont des fils de France, nous mesurons le défi de l’endoctrinement d’une frange de notre jeunesse. Tout comme le défi policier et militaire de la détection de ces alvéoles de la mort.

François Hollande a ainsi reconnu : « Ce sont – et c’est cruel de le dire – des Français qui ont tué des Français ». Cruel de le dire ou préoccupant de ne l’avoir admis plus précocement ?

Il est toujours temps d’annoncer se poser la question de la légitime défense des policiers ou d’augmenter leur nombre jusqu’à « parvenir au chiffre de 2007 ». Toute aussi féconde est l’idée de recourir aux réservistes, préfiguration « d’une garde nationale » ( sic ).

L’humanité en berne qui se dégage de ce constat amer et grave – que le décideur public a donc mis du temps à concevoir et accepter – ne doit pas nous faire oublier la puissance des ressorts de l’humanisme. Respecter l’Autre doit demeurer notre privilège.

François Hollande a lu comme un relevé de décisions mais n’a pas émis de cap stratégique à l’adresse de la jeunesse  dont une courte poignée – à la taille de la main de Gulliver ? – a opté pour le fanatisme.

Au Congrès, en lieu et place d’une adresse à la nation suspendue à ses lèvres, il a émis un résumé de déclaration de politique générale comme savent en formuler des Premiers ministres.

http://www.lesechos.fr/idees-debats/