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Hélène Buzzetti
Le premier ministre du Canada (à droite), Justin Trudeau, lors du sommet du G20 à Antalya
Photo: Ozan Kose Agence France-Presse Le premier ministre du Canada (à droite), Justin Trudeau, lors du sommet du G20 à Antalya

Le Canada augmentera le nombre de militaires qu’il déploie en Irak pour former des soldats locaux prêts à combattre le groupe État islamique, a confirmé le premier ministre Justin Trudeau mardi. Si plusieurs spécialistes conviennent que ce faisant, la contribution canadienne risque d’avoir beaucoup plus d’impacts que ses bombardements actuels, au moins un ancien allié libéral dénonce ce choix du nouveau gouvernement.

Au cours d’un point de presse, M. Trudeau a réaffirmé son désir de mettre un terme à la participation canadienne au pilonnage de l’Irak et de la Syrie pour privilégier plutôt la formation de soldats irakiens. À l’heure actuelle, la présence canadienne dans la région consiste en six avions et environ 600 soldats, dont seulement 69 participent à la formation des forces locales.

« On a dit qu’on veut en faire plus. On va faire plus de formation, alors ça va exiger plus que 69troupes [soldats]. Le chiffre exact, nous sommes en train de le développer et quand nous aurons quelque chose à dire, nous ferons des annonces », a expliqué M. Trudeau.Selon les divers experts consultés, le Canada pourrait déployer quelques centaines de soldats destinés à la formation. « En Afghanistan, nous avions 900 personnes dans la région de Kaboul qui faisaient de la formation », rappelle David Perry, analyste à l’Institut canadien des affaires mondiales. « Je ne pense pas qu’on parle cette fois d’une telle contribution, parce que la mission de formation en Irak est beaucoup plus petite que celle en Afghanistan, mais quelques centaines de personnes serait raisonnable. »

Pour donner un ordre de grandeur, M. Perry rappelle qu’il y a quelques milliers de soldats internationaux se consacrant à la formation en Irak (dont de 1500 à 3000 Américains), alors qu’ils étaient dix fois plus nombreux en Afghanistan. Il s’agissait de former environ 300 000 soldats là-bas, alors que les besoins sont beaucoup moins importants en Irak. En outre, la nature de la formation n’est pas la même. « En Afghanistan, une partie de la formation consistait en de l’alphabétisation. On devait fournir une éducation de base aux forces afghanes qui en avaient peu. En Irak, on a affaire à une population plus éduquée. »Le Canada a développé une expertise dans la formation des armées étrangères, notamment en Afghanistan, mais aussi au cours d’autres opérations, dont celle en Sierra Leone, de 2000 à 2013. La formation coûtera aussi beaucoup moins cher que les bombardements.

La députée néodémocrate Hélène Laverdière s’inquiète que cette formation s’accompagne d’une participation dans les combats terrestres, ce à quoi son parti s’opposerait. « Ce qui semble se dessiner, c’est la poursuite et l’augmentation du programme initié par le gouvernement Harper. » L’opposition conservatrice n’a pas commenté.Un libéral mécontent

La fin des bombardements canadiens en Irak enrage Ujjal Dosanjh, un ex-ministre libéral fédéral qui a été premier ministre de Colombie-Britannique. « Je déteste la guerre, mais je déteste encore plus le groupe État islamique », a-t-il déclaré sur les ondes de CBC. Il estime que le Canada envoie un « mauvais message » au reste du monde en se désengageant d’une guerre visant à rétablir la paix. Sur son compte Twitter, M. Dosanjh a raillé l’expression « sunny ways » (voies ensoleillées) utilisée par M. Trudeau pour décrire le nouveau régime qu’il entend établir à Ottawa. « Les voies ensoleillées n’offrent pas de protection contre les Kalachnikov. »Les experts militaires consultés sont cependant tous d’avis que la contribution canadienne aux bombardements est minime et « symbolique » : elle représente environ 2 % à 4 % de tout ce que fait la coalition internationale. « Nous aurions probablement plus d’impacts avec la formation », estime Michael Zekulin, professeur spécialisé en terrorisme à l’Université de Calgary. « Est-ce que le retrait de nos six avions affaiblira la mission internationale ? Non. »

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