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Alors que Nicolas Sarkozy avait caressé l’idée quelques fois, c’est bien François Hollande qui a réinstallé les contrôles aux frontières suite aux attentats de vendredi. Mais sera-t-il possible de revenir un jour en arrière pour un bon bout de temps ? Et si l’espace Schengen avait vécu ?
La fin des frontières passoires ?
Il faut dire que les dernières semaines ont démontré jusqu’à l’horreur les conséquences de la suppression des contrôles aux frontières. Des centaines de milliers de migrants, dont une grande partie ne venant pas de Syrie, qui rejoignent l’Union Européenne par ses points les plus faibles, Grèce, Hongrie ou Italie, attirés par l’appel d’air Allemand, avant que l’ampleur des flux ne finisse par pousser Angela Merkel à reprendre un peu le contrôle des flux, et tous les pays de la bordure Sud de l’espace Schengen à fermer un à un de manière de plus en plus énergétique leurs frontières, malgré les menaces et les critiques. Et malheureusement pour les béni-oui-oui de l’immigration, un des terroristes de vendredi dernier avait un faux passeport Syrien et avait suivi les filières migratoires avant de venir en France.
Il est très significatif que l’une des premières mesures annoncées par le président dès le vendredi soir soit le rétablissement des frontières. Parce que le djihadisme traverse les frontières, mieux vaut multiplier les filtres pour les arrêter avant qu’ils ne commettent l’irréparable. Pire encore pour les opposants à tout contrôle, il est vite apparu que la Belgique était un point névralgique du djihadisme en Europe, impliqué dans l’organisation des attentats en France. Bref, il apparaît aujourd’hui essentiel de remettre en place des filtres aux frontières avec ce pays pourtant apparemment si proche et si inoffensif. Et on peut croire que ce besoin n’est pas prêt de se dissiper : qui pourra prendre demain la responsabilité de supprimer les contrôles à la frontière belge et ainsi livrer la France aux djihadistes venus de Molenbeek ?
2015, l’année des frontières ?
Dans un tel contexte, il semble bien que l’espace Schengen ait bien du plomb dans l’aile. Comment défendre demain la levée des différents contrôles ? Les terribles évènements de la semaine dernière ont montré jusqu’à l’horreur les conséquences d’un monde sans frontière, qui est un monde où les terroristes se déplacent plus facilement, et peuvent également acquérir et déplacer des armes plus aisément. Et après tout, les contrôles aux frontières ne répugnent pas les nombreux touristes qui viennent en Grande-Bretagne, qui se protège ainsi d’une partie du danger, en maîtrisant les points d’entrée dans son territoire. On peut souhaiter bien du courage à tous ceux qui oseront demain plaider pour une levée de ces contrôles, dont on comprend bien aujourd’hui, qu’ils pèsent surtout sur les criminels.
Voici un coin sérieux dans le discours européen qui avait mis la libre-circulation des biens, des capitaux et des hommes sur toute l’Union Européenne. Où l’on comprend aujourd’hui que c’est aussi la libre-circulation des terroristes, des kalachnikov et de l’argent sale. Et comme la circulation n’est quand même pas beaucoup moins libre quand il y a des contrôles et que cela permet une meilleure sécurité, le débat a changé de nature en quelques semaines. Tout ceci rappelle le bel hommage de Régis Debray aux frontières : « l’indécence de l’époque ne provient pas d’un excès, mais d’un déficit de frontières. Il n’y a pas plus de limites à parce qu’il n’y a plus de limites entre », le « sans-frontiérisme » avalisant « le moins d’Etat et le plus de mafia ». Après ces quelques jours, on peut aussi ajouter : le plus de terrorisme.
Mais la question qui doit être posée maintenant, c’est que la violence terroriste que permet la suppression de toute entrave n’est peut-être que la variante la plus horrible des violences provoquées par l’absence de toute régulation. L’absence de frontières pour les biens et les capitaux, elle aussi, est porteuse de violence pour la population, plus diffuse, mais pas moins réelle.