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Michaël Bloch
Après les attentats de janvier contre Charlie Hebdo et à l’Hypercacher, le Premier ministre Manuel Valls avait annoncé plusieurs mesures pour lutter contre le terrorisme dans un discours salué sur tous les bancs de l’Assemblée nationale le 13 janvier. Dix mois après les attentats et alors que la France a de nouveau été ensanglantée par de terribles attaques, ces mesures ont-elles été appliquées? Nous avons repris ce texte et le confrontons à la situation aujourd’hui.
Manuel Valls devant l’Assemblée nationale. (Reuters)
« Nous avons aussi amélioré la coopération entre les services intérieurs et extérieurs et également renforcé, même s’il faut encore faire davantage, nos échanges avec les services étrangers, à la suite de l’initiative que j’ai pu prendre il y a deux ans avec les ministres européens et notamment avec la ministre belge, Joëlle Milquet, puisque son pays est également confronté à ce problème-là. »
PAS VRAIMENT – En janvier dernier, Manuel Valls annonçait un renforcement de la coopération entre les services étrangers et la France. Manifestement, ce rapprochement n’est pas encore assez abouti. Plusieurs terroristes du 13 novembre étaient dans le collimateur des services belges mais pas des français. Ainsi, Salah Abdelslam a pu tranquillement passer samedi 14 novembre la frontière franco-belge alors qu’il a été contrôlé à Cambrai plus tôt dans le journée. Il était fiché en Belgique mais n’apparaissait pas les radars de l’antiterrorisme français.
« Il y a un manque cruel d’Europe quand il s’agit de renseignement, de coordination des polices et des justices. Les Etats gardent jalousement leurs informations. De plus, il y a des traditions de coopération entre services secrets. », notait récemment, sous le sceau de l’anonymat, dans les Echos, un ancien Premier ministre européen. « Les pays européens sont jaloux des informations dont ils disposent », abonde dans La Croix le ministre italien de l’Intérieur, Angelino Alfano. Une pleine coopération entre tous les services de renseignement européen n’est pas encore pour tout de suite.
« Au cours de l’année, nous lancerons également la surveillance des déplacements aériens des personnes suspectes d’activités criminelles. C’est le système PNR. La plateforme de contrôle française sera opérationnelle dès septembre 2015. Il reste à mettre en place un dispositif similaire au niveau européen. J’appelle de manière solennelle ici dans cette enceinte le Parlement européen à prendre enfin toute la mesure de ces enjeux, et de voter, comme nous le lui demandons depuis deux ans avec l’ensemble des gouvernements, à adopter ce dispositif qui est indispensable : nous ne pouvons plus perdre de temps! »
PAS EN PLACE – Le temps, l’Europe l’a bien perdu. La mise en place du Passenger Name Record (PNR) n’avait pas vraiment avancé depuis janvier. Les députés européens craignant notamment une mesure dangereuse pour les libertés individuelles. Du coup, Paris a profité des attentats de novembre pour remettre la pression sur l’Europe pour une adoption rapide de cette disposition. La procédure avance mais ne devrait pas être tout de suite appliquée.
Les ministres européens ont affirmé que ce PNR doit être « finalisé avant la fin de 2015 », il devra « inclure les vols internes dans son champ », prévoir une période « suffisamment longue de conservation des données », et ne devrait pas se limiter aux « crimes de nature transnationale. » En février dernier, le Parlement européen s’était déjà engagé à « tout mettre en oeuvre » pour adopter la directive sur le PNR « avant la fin de l’année ». Il ne reste plus qu’un mois au Parlement européen pour honorer sa promesse.
Annoncée comme « opérationnelle » en septembre 2015, le PNR français n’est, lui, toujours pas en place alors que la loi du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme l’autorise.
« Enfin, avant la fin de l’année, sur la base de l’expérience menée depuis cet automne (2014) à la prison de Fresnes, la surveillance des détenus considérés comme radicalisés sera organisée dans des quartiers spécifiques créés au sein d’établissements pénitentiaires. »
PAS APPLIQUE – La proposition de Manuel Valls de regrouper les détenus radicaux dans un quartier spécial a du plomb dans l’aile depuis que la contrôleuse générale des prisons, Adeline Hazan, a émis un avis défavorable en juin dernier. « Le regroupement des détenus radicalisés présente des risques qui ne paraissent pas avoir été pris en compte, notamment la cohabitation de personnes détenues présentant des niveaux d’ancrage très disparates dans la processus de radicalisation », estime-t-elle.
Lors de la discussion du projet de loi de finances le 8 octobre, la ministre de de la Justice Christiane Taubira avait toutefois confirmé cette volonté d’expérimenter cette mesure qui n’était alors toujours pas appliquée neuf mois après l’annonce du Premier ministre : « Nous envisageons de dupliquer dans trois autres établissements la double séparation dans une aile dédiée qui est expérimentée à Fresnes », affirmait la garde des Sceaux en séance à l’Assemblée nationale.
« J’ai demandé aux ministres de l’Intérieur et de la Justice d’étudier les conditions juridiques de mise en place d’un nouveau fichier. Il obligera les personnes condamnées à des faits de terrorisme ou ayant intégré des groupes de combat terroristes à déclarer leur domicile et à se soumettre à des obligations de contrôle. De telles dispositions existent déjà pour d’autres formes de délinquance à risque élevé de récidive. Nous devons l’appliquer en matière d’engagement terroriste, toujours sous le contrôle strict du juge. »
EN PARTIE – Le nouveau fichier de police (FIJAIT), élaboré afin de recenser les noms et adresses de toutes les personnes condamnées ou mises en examen pour terrorisme, a été crée grâce au vote de la loi sur le renseignement, publié au Journal officiel le 26 juillet. Mais c’est bien la loi sur l’état d’urgence qui a permis à l’Etat d’assigner à résidence un certain nombre de personnes jugés suspectes par l’Etat. Mais « sans le contrôle stricte du juge » promis en janvier dernier par Manuel Valls.