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Un employé de l'association Médecins sans frontières se promenant dans les décombres de l'hôpital de Kunduz en Afghanistan, détruit après un raid américain, le 16 octobre.

La cause des bombardements de l’armée américaine sur un hôpital de Médecins sans frontières ayant fait 30 morts, dont 12 membres de l’ONG, à Kunduz, en Afghanistan, est « avant tout une erreur humaine » a déclaré, mercredi 25 novembre, le général américain John Campbell, délivrant les principales conclusions de l’enquête américaine sur l’opération.

« C’est une erreur tragique. Jamais les forces américaines n’auraient intentionnellement visé un hôpital ou toute autre installation protégée ».

Le chef des troupes américaines et des 13 000 soldats étrangers de l’OTAN en Afghanistan a expliqué que l’opération de bombardement menée par les forces spéciales américaines, le 3 octobre, a « confondu » l’établissement médical de l’ONG avec un bâtiment contrôlé par les talibans.

Médecins sans frontières a jugé que le rapport américain était un « effarant catalogue d’erreurs » qui :

« Démontre la négligence grossière des troupes américaines ainsi que leurs violations des règles de la guerre ».

MSF, qui réfute catégoriquement le terme d’« erreur », a exigé une enquête internationale indépendante sur les faits, qui font déjà l’objet de trois investigations : celle du Pentagone, une de l’OTAN, et une autre des forces afghanes.

L’OTAN a depuis précisé qu’elle entendait ne plus mener que l’évaluation des dégâts humains et matériels liés au bombardement. Michiel Hofman, envoyé spécial du directeur général de MSF, note que pour leur enquête, les Afghans ne leur ont rien demandé, « pas un seul entretien ».

Nouvelle version de l’armée américaine

Chef des 13 000 soldats étrangers de l’OTAN en Afghanistan et des troupes américaines dans le pays, John Campbell a assuré que des mesures disciplinaires seraient prises.

En pointant « l’erreur humaine », les forces armées occidentales change une fois de plus sa version pour expliquer le long bombardement, près d’une heure, de l’établissement médical.

Après avoir affirmé que l’opération avait été menée pour protéger des soldats américains, l’OTAN avait ensuite dit que c’était l’armée afghane qui avait requis ce soutien, car ses soldats avaient été pris pour cible par les talibans près de l’hôpital. L’OTAN avait aussi rappelé que la décision finale avait à l’évidence été prise par l’état-major américain.

A présent, les conclusions de l’enquête américaine avancent, qu’à la suite d’une panne électronique notamment, les membres de l’équipage ont été privés d’outils de navigation précis et de communication pendant le raid, qui devait viser initialement un bâtiment des services de renseignement conquis par les talibans à Kunduz.

« L’établissement médical a été confondu avec une cible par les personnels américains qui pensaient être en train de bombarder un autre bâtiment à quelques centaines de mètres de là, où ils avaient été informés de la présence de combattants », a expliqué le général Campbell, soulignant « l’épuisement » des troupes, engagées depuis cinq jours dans de féroces combats contre les talibans à Kunduz, grande ville du nord qu’ils avaient conquise.

« Les personnes ayant déclenché le raid et ceux qui l’ont exécuté depuis le ciel n’ont pas pris les mesures appropriées pour vérifier que cet endroit était une cible légitime »

Un « effarant catalogue d’erreurs » (MSF)

Si MSF a récemment admis qu’une « vingtaine de talibans » étaient traités dans son hôpital, l’ONG souligne que ses équipes avaient transmis les coordonnées GPS de l’hôpital aux armées afghane et américaine avant le début de l’attaque.

Même une fois ses instruments de navigation rétablis, l’équipage a continué à frapper l’hôpital en se fiant à la description de la cible par les troupes au sol, sans vérifier ses coordonnées GPS, ont révélé les enquêteurs américains.

Le bombardement a continué en dépit du constat qu’il n’y avait pas de réaction hostile.

« Nous avons tiré les leçons de cet accident terrible », a assuré le général Campbell. « Nous prendrons également des mesures administratives et disciplinaires dans le cadre d’une procédure équitable ».

L’organisation, doublement meurtrie par le bombardement de son hôpital de Kunduz et celui mené le 27 octobre contre celui de Haydan, au Yémen, a publié les photos et une courte notice biographique de ses 14 employés, tous afghans, tués à Kunduz.

http://www.lemonde.fr