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Mais au fait, qui es-tu Michel Field ?
Nicolas Gauthier, Journaliste, écrivain

Il y a du nouveau à France Télévisions, soit l’ancienne ORTF, cette vieille dame hertzienne qui vient aujourd’hui de se faire retrousser les jupons jusqu’aux oreilles avec une nomination qui ne devrait pas passer inaperçue ; soit celle de Michel Field au poste de directeur de l’information.

Ce faisant, Delphine Ernotte, sa nouvelle pédégère, entendait probablement marquer son territoire, tel le Raminagrobis urinant sur les plinthes. Virer l’inodore et incolore Pascal Golomer pour le remplacer par une personnalité autrement plus médiatique et « signifiante », comme disent les cuistres ? Voilà qui est fait.

Mais au fait, qui es-tu Michel Field ? À très, ou trop vite répondre, on rétorquera qu’il s’agit d’une crapule gauchiste de plus, d’un trotskiste pas trop bien blanchi sous le harnais de la lessiveuse télévisuelle. Pas faux. Ancien soixante-huitard et membre de la Ligue communiste, ensuite devenue Ligue communiste révolutionnaire, après dissolution conjointe d’Ordre nouveau, le plus jovial des joufflus du PAF a fait du chemin depuis.

Seulement voilà, il est rare que les hommes soient taillés d’un bloc. Ils peuvent avoir leurs failles, leurs coquetteries, leurs petits moments de gentillesse. Tenez, ce simple souvenir, décembre 1998, en pleine crise interne au Front national, Michel Field tente, en vain, de reprendre le flambeau abandonné par Anne Sinclair, depuis que le rideau est tombé sur son emblématique émission 7 sur 7. Là, un beau dimanche, il scinde son temps d’antenne en deux parties : l’une pour les lepénistes et l’autre pour les mégrétistes.

Se voulant impartial, il sert magistralement la soupe au vieux chef et ridiculise, en direct, les petits ambitieux qui, eux, suivent le Playmobil à talonnettes (Naboléon, disait alors le Menhir). Étonné par tant d’audace, Samuel Maréchal, alors patron du Front national de la jeunesse, s’enquiert du pourquoi du comment d’une telle partialité. Réponse du lutin farceur : « J’ai beau être juif et ancien trotskiste, je ne voudrais pas qu’en plus, on me prenne pour mégrétiste… » Humour talmudique à la Woody Allen ? L’histoire ne le dira jamais.

Pareillement, quand Patrick Buisson, le futur maître Sith de Nicolas Sarkozy, débarque sur TF1 pour installer ses pénates sur LCI, il appréhende sa première rencontre avec Michel Field, alors incontournable sur ces ondes. Verbatim : « Bonjour, Michel Field. Mai 68 et barricades. »« Bonjour, Patrick Buisson. Mai 68 et barricades, mais côté Action française et Occident… » Réponse du rondouillard : « Parfait, si on allait prendre un verre ? »

Depuis, les deux compères ont longuement animé l’émission Politiquement show, avec Field en maître de jeu. Politesse tôt rendue par Buisson qui en fit l’un de ses invités réguliers sur Historiquement show, l’une des lucarnes vedettes de sa chaîne Histoire.

Et c’est ainsi qu’il n’est pas illicite de se dire que la nomination d’un tel homme à la direction du service public télévisuel n’est pas forcément la pire nouvelle de cette fin d’année. Comme quoi un trotskiste érudit et rigolard vaudra toujours mieux qu’un bourricot sorti d’une école de commerce dont l’imaginaire politique et intellectuel se résume à des courbes de croissance. Un rêveur vaudrait mieux qu’un comptable ne sachant même pas compter ? Eh oui, pourquoi pas…

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