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Par Manuel Moragues 

Mission remplie pour la COP21. 195 pays et l’Union européenne ont accouché d’un accord signé par tous. L’euphorie du week-end passée, vient le temps de l’analyse : que va changer cet accord pour les entreprises ? Pas grand-chose a priori pour Gérald Maradan, directeur général d’EcoAct, cabinet de conseil qui accompagne entreprises, institutions et territoires dans la mise en place de stratégies carbone, politiques RSE et démarches d’éco-innovation. Interrogé par L’Usine Nouvelle, il déplore qu’au-delà des bonnes intentions affichées, l’accord ne marque guère de progrès.

L’Usine Nouvelle : Quel bilan dressez-vous de l’accord signé à la COP21 ?

Gérald Maradan : Après les félicitations d’usage et les discours extrêmement positifs, l’analyse du texte montre qu’au-delà de la réussite politique qui a consisté à réunir et accorder tous les pays, il y a en fait peu de progrès. Le texte reste très mou, avec des phrases alambiquées et peu de chiffres. On est resté dans les bonnes intentions, ce qui a permis de rester très consensuel. Même l’Arabie saoudite s’est déclarée contente de l’accord, c’est dire ! La seule avancée, c’est de viser un réchauffement « bien en-deçà des 2 degrés » alors que jusqu’à présent, c’était le niveau de 2 degrés qui était visé.

Qu’est-ce que vous regrettez particulièrement dans l’accord ?

Tout d’abord et surtout, il n’y a pas d’objectifs chiffrés. Il y a eu au cours des négociations des versions du texte dans lesquelles figurait un objectif de réduction de 40% ou même de 90% des émissions mondiales des gaz à effet de serre, avec des dates. Cela a disparu. Ne reste que la mention d’une neutralité carbone à viser entre 2050 et 2100 sans que sa mise en œuvre ne soit bien claire. De même pour le prix du carbone. Il y a eu un moment où il était mentionné dans le texte de l’accord que fixer un prix du carbone aiderait à lutter contre le réchauffement climatique. Ce point a fait blocage et a été renvoyé dans les préliminaires du texte, les « décisions », sous une forme affaiblie.

Les entreprises attendaient un signal fort de la COP21, que peuvent-elles en tirer ?

Pour décevant que soit le texte, la COP21 marque tout de même un nouveau départ. Dans l’attente de ce grand rendez-vous, les entreprises n’avaient pas de visibilité sur les mécanismes carbone. On savait que Kyoto avec sa différenciation Nord-Sud ne marchait plus et on attendait de voir ce qui sortirait de la Conférence de Paris. De ce côté, la COP21 entérine les mécanismes existants, notamment de compensation carbone. Elle ne va pas plus loin mais au moins les entreprises vont pouvoir continuer à agir comme elles le faisaient. L’accord acte aussi le fait que chaque pays peut procéder comme il le veut. La Chine va mettre en place début 2016 le système de quotas carbone sur lequel elle travaille, les Etats-Unis développent le leur… C’est à la carte ! Pour les industriels européens, c’est bien plus les objectifs ambitieux de l’Europe qui vont continuer à les guider plutôt que l’accord de Paris.

Propos recueillis par Manuel Moragues

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