Étiquettes
coût des crédits, conséquences pour les ménages, cours des matières premières, Fed, hausse des taux, le dollar
Sans surprise, la banque centrale américaine (Fed) a relevé son taux directeur de 25 points de base à 0,25 %-0,50 %. Une décision historique car il s’agit de la première hausse depuis 10 ans.
Quelles conséquences pour les ménages américains ?
La hausse des taux est une bonne nouvelle pour les épargnants : elle va doper leurs rendements, réduits à quasi néant depuis la crise financière. Mais avant d’être des épargnants, les Américains sont surtout des emprunteurs. La hausse des taux constitue une mauvaise nouvelle de ce point de vue-là. L’Histoire a d’ailleurs montré que, lorsque la Fed augmentait ses taux directeurs, les banques augmentaient le coût des crédits bien plus qu’elles ne relevaient les intérêts payés aux épargnants. Ceux-ci ont tendance à augmenter de 0,25 point pendant l’année qui suit la décision de la Fed. Le coût des emprunts augmente deux fois plus (0,5 point) sur la même période. Les Américains ont beau avoir réduit leur dépendance au crédit, ils accumulent près de 12.000 milliards de dette, soit 25 % de plus qu’il y a dix ans. Ils consacrent moins de 10 % de leur revenu disponible à la rembourser, un niveau historiquement faible. Le renchérissement du crédit va changer la donne, et entraîner une baisse de leur pouvoir d’achat. Les constructeurs d’automobiles, qui ont réalisé des ventes exceptionnelles cette année, risquant d’en pâtir l’an prochain.
Quel impact sur le dollar ?
Le dollar a rendez-vous avec l’histoire, la première hausse des taux depuis la pire crise financière que les Etats-Unis ait connue depuis 1929. Les positions spéculatives à l’achat sur le dollar ont augmenté et sont très fortes, les marchés anticipant un resserrement monétaire de la Réserve fédérale. Seulement, « l’histoire enseigne que le dollar se replie dans les mois qui suivent la première hausse des taux d’intérêt de la Réserve fédérale, quoi que fassent les autres banques centrales », rappelle David Bloom, responsable de la stratégie sur les devises chez HSBC. Lors des 5 derniers cycles de resserrement outre-Atlantique, de la première à la dernière hausse des taux, le billet vert s’est apprécié en moyenne de 5 %, une progression finalement modeste. Les prises de profit plus ou moins massives sur la première monnaie mondiale génèrent souvent des turbulences. Le comportement du billet vert dépend aussi de la communication de la Fed autour de sa décision, et tout manque de clarté est souvent sanctionné par les marchés sous la forme d’un regain de volatilité, notamment pour les monnaies émergentes.
Quelles conséquences sur les matières premières ?
Les cours des matières premières ont eu tendance à enregistrer de bonnes performances lors des précédents cycles de resserrement de la Fed. Si l’on remonte au début des années 1970, les prix des métaux industriels ont grimpé au cours de 7 cycles sur 9, dit UBS, en moyenne de + 48 %. La raison ? Des taux plus élevés correspondaient en général à une période d’accélération de la croissance économique américaine et mondiale. L’évolution du billet vert joue aussi, la plupart des matières étant libellées en dollar. Or la performance de la devise américaine durant les cycles de hausse des taux est mitigée, rappelle UBS, car les autres banques centrales resserrent souvent leur politique monétaire. Mais les choses risquent d’être différentes cette fois. D’une part, les Etats-Unis ne sont plus les premiers consommateurs mondiaux de « commodities ». D’autre part, la Fed faisant pour l’heure cavalier seul, le dollar devrait rester fort. Les devises matières premières (rouble, peso chilien, real…) pourraient donc encore s’affaiblir, permettant de continuer à produire en masse malgré la baisse des revenus, comme le font les groupes pétroliers russes.
Quelles conséquences pour les banques ?
Les banques ne sont pas mécontentes des mesures annoncées mercredi. Depuis sept ans, la faiblesse des taux limite les profits qu’elles tirent de leurs activités de crédit. Leur marge d’intérêt – c’est-à-dire l’écart qui sépare les prix auxquels elles empruntent de ceux auxquels elles prêtent – n’est plus que de 3 %, contre 3,8 % en 2010, selon la Fed de Saint Louis. La hausse des taux va changer la donne. A la demande des régulateurs, les banques américaines ont d’ailleurs chiffré les profits qu’elles pouvaient en tirer. JP Morgan calcule qu’une hausse de 1 point augmentera ses profits avant impôts de l’ordre de 2,8 milliards de dollars. La hausse des taux a aussi ses inconvénients : les emprunteurs, qui devront payer des taux d’intérêt plus élevés, auront plus de mal à rembourser leur dette. L’effet n’est pas immédiat, estiment les banquiers : la hausse de taux provoque une recrudescence des mauvais payeurs dans un délai de 18 à 24 mois. JP Morgan s’attend à voir les mauvaises dettes augmenter de 76 % à l’horizon 2017. Bank of America est plus pessimiste, puisqu’il prévoit une augmentation deux fois supérieure (143 %).
Les taux sur la dette européenne vont-ils remonter ?
Les taux des emprunts d’Etat européens de court terme (2 ans) sont a priori protégés contre une remontée du loyer de l’argent aux Etats-Unis. Ils devraient en effet rester ancrés à des niveaux très bas grâce à la Banque centrale européenne, dont l’un des taux directeurs est en territoire négatif. En revanche, les taux des obligations souveraines européennes de long terme ont, eux, tendance à suivre le mouvement des taux des emprunts d’Etat américains. Ce fut d’ailleurs l’une des grandes craintes (qui s’est réalisée) quand Ben Bernanke, l’ancien président de la Fed, a évoqué la fin du gigantesque programme d’achat de titres (QE), en mai 2013. Aujourd’hui, le risque est moins grand. D’une part, parce que la BCE a elle-même lancé un vaste dispositif d’interventions sur le marché de la dette souveraine de long terme (elle achète l’équivalent de 60 milliards d’euros d’emprunts d’Etat chaque mois), ce qui fait monter le prix de ces titres (et donc baisser leur rendement ou leur taux). D’autre part, parce que le tour de vis de la Fed est tellement anticipé par le marché que les taux des obligations américaines n’ont pas de raison de beaucoup bouger.